Comment la Russie s’acharne sur la société civile
Après avoir dissous la célèbre ONG Mémorial, le régime de Vladimir Poutine s’attaque à la Fondation Andreï Sakharov et au Groupe Helsinki de Moscou.
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Publié le 29-01-2023 à 08h10 - Mis à jour le 30-01-2023 à 13h12
Ces deux dernières années, et plus encore depuis le déclenchement de la guerre contre l’Ukraine le 24 février 2022, “le gouvernement russe n’a fait qu’intensifier la chasse aux sorcières qu’il mène contre l’opposition et les organisations de la société civile. Aucun critique, défenseur des droits humains ni journaliste indépendant n’est à l’abri des persécutions, des représailles et de la répression”, constate Natalia Zviaguina, directrice d’Amnesty International Russie.
Pas plus tard que le 23 janvier, les autorités russes ont ainsi apposé le label d’organisation “indésirable” à la très respectée Fondation Andreï Sakharov, du nom du célèbre dissident soviétique et Prix Nobel de la paix. Après avoir dissous les deux branches de Mémorial, colauréate du Prix Nobel de la paix 2022, il y a un an, les autorités viennent aussi de s’attaquer au Groupe Helsinki de Moscou qui avait été créé en 1976 pour défendre les droits de l’homme en URSS.
Non plus contenir mais détruire
“Au cours des deux dernières décennies, au moins, les autorités russes ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour contenir la société civile. Mais, depuis deux ans, elles ont cessé de la contenir pour essayer de la détruire, de détruire tout ce qui était organisé pour s’assurer que, s’il y a des activistes, ils soient tout seuls, livrés à eux-mêmes”, pense Oleg Kozlovsky, chercheur sur la Russie pour Amnesty International.
Mais “je doute que cela soit possible, ajoute-t-il, de passage à Bruxelles. La société civile s’adapte à la situation. Quand les autorités agissent contre une organisation, trois autres apparaissent, beaucoup plus petites, moins organisées.” Si les ONG sont liquidées les unes après les autres, “cela ne signifie pas que leurs membres cessent d’être actifs”.
Certains défenseurs des droits de l’homme ont été tués ou emprisonnés, comme l’historien du goulag Iouri Dmitriev. D’autres restent dans le pays et œuvrent dans l’ombre – parfois en venant en aide aux Ukrainiens d’ailleurs. D’autres encore ont quitté la Russie et travaillent depuis l’étranger – certains pour sauver un fils de la mobilisation d’hommes pour une guerre à laquelle ils s’opposent. Ce qui ne les met pas à l’abri de pressions et de menaces, exercées sur leurs proches restés au pays. C’est le cas d’Isabella Evloeva notamment, qui travaille sur l’Ingouchie, et dont les vieux parents ont été perquisitionnés et interrogés par la police, rapporte l’avocate spécialisée dans les droits de l’homme, Olga Gnezdilova, elle-même installée en Allemagne.
Des visas et des ressources
“La société civile reste vivante. Elle a fait preuve d’une assez grande résilience, d’une assez grande capacité d’adaptation. Cela ne signifie pas qu’elle est devenue plus forte, mais qu’elle a réussi à persister”, constate Oleg Kozlovsky.
C’est pourquoi il est particulièrement important que les pays de l’Union soutiennent ces militants qui, “espérons-le, contribueront à mettre fin à cette guerre et à faire de la Russie un pays plus respectueux des droits de l’homme et des valeurs européennes”, plaide-t-il : en les soutenant financièrement, en leur accordant plus facilement des visas Schengen à entrées multiples, en les aidant à évacuer la Russie en urgence vers un pays sûr quand leur vie ou celle de leur famille est en danger.