Le parti conservateur britannique demeure englué dans une série de scandales
Alors que les Britanniques les plus pauvres souffrent face à l’inflation, les scandales financiers s’accumulent autour de ministres et parlementaires du parti conservateur.
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- Publié le 29-01-2023 à 10h07
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Lors de son premier discours en tant que Premier ministre le 25 octobre, Rishi Sunak avait promis que son “gouvernement [ferait] preuve d’intégrité, de professionnalisme et de responsabilité à tous les niveaux”. Trois mois plus tard, les scandales s’accumulent pourtant autour de lui et de son parti conservateur. À tel point que le chef de l’opposition travailliste Keir Starmer l’a interpellé mercredi lors de la traditionnelle séance de questions au Premier ministre à la Chambre des communes avec une cruelle interrogation : “ [Rishi Sunak] commence-t-il à se demander si ce poste n’est pas trop grand pour lui ?”
Le cas embarrassant de Nadhim Zahawi
Ces derniers jours, l’attention des médias s’est concentrée autour des finances personnelles de Nadhim Zahawi, ministre sans portefeuille membre du cabinet gouvernemental et président du parti conservateur, après avoir été brièvement ministre des Finances de Boris Johnson. Entre 2006 et 2018, il aurait vendu pour environ 27 millions de livres sterling (30 millions d’euros) d’actions de l’institut de sondage YouGov, qu’il avait co-fondé en 2000, via un trust contrôlé par ses parents et situé à Gibraltar, un paradis fiscal réputé. Il aurait ainsi évité le paiement de 3,7 millions de livres (4,2 millions) d’impôts, selon des experts.
Les premières révélations sur le sujet l’été dernier, alors qu’il venait d’être nommé chancelier de l’Échiquier, l’ont poussé à s’exonérer de cette erreur qu’il avait qualifiée d’”imprudente, mais non délibérée”. L’administration fiscale lui aurait imposé une pénalité de 30 %, pour un versement total aux environs de 5 millions de livres (5,7 millions d’euros), selon le quotidien The Guardian. Aux yeux du Labour, ces nouvelles informations rendent “intenable” “la position de l’homme qui était jusqu’à récemment chargé du système fiscal britannique”. Il est également accusé d’avoir menti dans ses déclarations financières au Parlement.
De fait, Rishi Sunak a décidé lundi d’annoncer une enquête officielle sur les affaires financières de son ministre, sans lui demander de quitter momentanément son poste. Du pain béni pour l’opposition : Keir Starmer a accusé mercredi le Premier ministre d’être “désespérément faible”, non sans avoir rappelé grâce à un habile sous-entendu que le couple Sunak lui-même avait évité le paiement de millions aux impôts grâce au statut fiscal de l’épouse du Premier ministre.
Un scandale qui s’ajoute aux précédents
Cette affaire tombe au plus mal. Les Britanniques souffrent face à une inflation située entre 9 % et 11,1 % depuis avril 2022. À tel point que les banques alimentaires peinent à subvenir aux flux de demandes. Dans ce contexte, voir un politicien, à la fortune supérieure à 20 millions de livres et un temps responsable des finances publiques, n’être rattrapé par la patrouille qu’à la suite de révélations de journalistes passe mal.
D’autant plus que cette affaire n’est pas le premier scandale financier à secouer récemment les conservateurs. L’ancien Premier ministre Boris Johnson aurait utilisé l’entremise de Richard Sharp, donateur du parti conservateur, pour se voir autoriser un prêt de 800 000 livres (910 000 euros) alors qu’il était déjà au 10 Downing Street. Souci : Richard Sharp a quelques mois plus tard été nommé à la présidence de la BBC, le principal groupe médiatique public britannique. Un poste en remerciement de ce service ? C’est justement ce qui agite les médias britanniques.

La multiplication ces dernières années des scandales de corruption, de trafic d’influence ou de népotisme au sein du parti conservateur renforce le sentiment de sa déliquescence morale. En 2021, l’ancien Premier ministre David Cameron a été accusé de faire du lobbying en faveur d’une société financière, Greensill Capital. Après la condamnation la même année pour conflit d’intérêts du député et ancien ministre conservateur Owen Paterson, les médias nationaux ont découvert que vingt-cinq députés conservateurs, un travailliste et un libéral-démocrate travaillaient à temps partiel comme consultants pour des entreprises privées et que quatre d’entre eux avaient ainsi plus que doublé leur salaire annuel d’élu, qui s’élevait à 81 932 livres (94 860 euros). Enfin, les rénovations de l’appartement officiel de Boris Johnson avaient initialement été payées par un donateur du parti, avant que le Premier ministre ne se sente obligé de les rembourser.
Les lucratives affaires de la baronne Mone
Mais ces scandales ne concernent pas que des figures du parti ou du gouvernement. En mai 2020, la baronne Michelle Mone contacte via leur courriel personnel les deux ministres chargés d’approvisionner le pays en équipements de protection individuelle contre la transmission de la Covid-19. Elle leur assure qu’elle pourra les fournir via “[s]on équipe à Hong Kong”. L’entreprise qu’elle recommande, PPE Medpro, n’existe pourtant pas encore légalement. Elle l’est quelques jours plus tard lorsqu’elle est ajoutée à la “liste des VIP”, une liste d’entreprises recommandées par des proches du parti conservateur créée pendant la crise de Covid. L’entreprise signe rapidement un contrat de 203 millions de livres (235 millions d’euros) avec l’État.
La presse a révélé l’an dernier que PPE Medpro a versé au moins 65 millions de livres (75 millions d’euros) à un trust détenu par Doug Barrowman, le compagnon de la baronne. Le trust a ensuite réalisé deux paiements : 28,8 millions de livres (33,3 millions d’euros) à un autre trust, dont les bénéficiaires sont la baronne Michelle Mone et ses trois enfants, et 45,8 millions de livres (53 millions d’euros) sur le compte bancaire personnel de Doug Barrowman sur l’île de Man. D’où les accusations de conflits d’intérêts. Outre le fait que le gouvernement accuse désormais l’entreprise de lui avoir fourni un matériel inutilisable, car ne correspondant pas aux normes britanniques. Une enquête parlementaire a été lancée à son encontre.