Tensions israélo-palestiniennes : Jérusalem se retrouve au bord du séisme
Deux attaques coup sur coup ont fait sept morts et plusieurs blessés dans la Ville sainte, sur fond d’une escalade de la violence en Cisjordanie.
Publié le 29-01-2023 à 20h55 - Mis à jour le 30-01-2023 à 09h51
La tension persiste à Jérusalem après les attentats de ce week-end qui ont fait sept morts et plusieurs blessés. La police est partout, sur le qui-vive. “On sent la peur” dit un habitant du quartier chrétien de la Vieille ville, “les gens s’observent, se jaugent”.
Vendredi soir, Khairi Alqam, 21 ans, a tiré sur des passants dans la colonie israélienne de Neve Yaakov, un quartier au nord de Jérusalem. Il a tué sept personnes, dont un adolescent de 14 ans, le bilan le plus lourd dans une seule attaque depuis 2008. Pourchassé par la police, il a été ‘neutralisé’quelques centaines de mètres plus loin. Le lendemain, un jeune Palestinien de 13 ans a tiré à bout portant sur un groupe de juifs dans le quartier sensible de Silwan, au sud de la Vieille ville. Il a blessé un père et son fils ; ce dernier, un militaire, l’a blessé. L’adolescent a été arrêté.
Les deux attaques n’ont été revendiquées par aucun groupe palestinien. Les scènes de liesse dans toutes les villes palestiniennes, immédiatement relayées sur les réseaux sociaux, ont néanmoins traduit l’état d’esprit dans lequel se trouve la région.
Depuis près d’un an, l’armée israélienne mène une politique de répression sévère en Cisjordanie, sur fond de déliquescence de l’Autorité palestinienne. Elle a doublé sa présence dans le territoire occupé, passant de 13 bataillons à 27 aujourd’hui. Au moins 146 Palestiniens ont été tués dans des opérations militaires quotidiennes en 2022, un record depuis la seconde intifada. Il y a déjà eu 34 morts au mois de janvier, dont dix en une seule journée dans le camp de réfugiés de Jénine, jeudi. Selon le ‘pouls israélo-palestinien’, un sondage annuel conduit par le Palestinian Center for Survey Research auprès de toute la population de la Terre sainte, 61 pour-cent s’estiment à l’aube d’une nouvelle intifada.
“Il y a du sang là où il n’y a pas d’espoir”
Les histoires personnelles des deux assaillants tissent un contexte particulier. Khairi Alqam porte le nom de son grand-père, tué il y a 25 ans dans une attaque au couteau commise par un extrémiste juif qui n’a jamais été appréhendé. Neve Yaakov est considéré par le droit international comme une colonie, construite du côté palestinien de la ligne verte. L’ensemble de petites rues proprettes côtoie le camp de réfugiés de Shouafat, une favela post-apocalyptique laissée à l’abandon derrière le mur de séparation par la municipalité de Jérusalem. Mercredi, un cousin de Khairi Alqam y a été tué après avoir brandi un pistolet en plastique. Il avait 17 ans.
On en connaît peu sur l’adolescent de Silwan – mais on sait que son quartier disparaît peu à peu sous la pression de colons israéliens organisés, qui ne cachent pas leurs intentions de ‘judaïser’la Ville sainte. Vendredi, un jeune de 16 ans y est mort, après avoir été blessé à l’abdomen deux jours plus tôt. “À 13 ans, on n’écoute pas les idéologues”, dit Daniel Seidemann, un juriste israélien qui travaille sur la géopolitique de la Ville sainte depuis plus de trente ans. “Il y a du sang là où il n’y a pas d’espoir, et les Palestiniens ne peuvent pas imaginer une vie dans la dignité”, explique-t-il.
Un test pour le prochain gouvernement
Ces attaques sont un test pour le nouveau gouvernement israélien, le plus nationaliste de l’histoire du pays. Il a réagi immédiatement : plus de 40 proches des deux assaillants ont été arrêtés. Dimanche, le cabinet a annoncé vouloir durcir les mesures de punition collective à l’encontre des parents de terroristes, renforcer la colonisation en Cisjordanie, et faciliter l’obtention de permis de port d’arme pour les civils israéliens.
C’est dans ce contexte que le secrétaire d’état américain Antony Blinken est attendu lundi, pour une visite de deux jours à Jérusalem et Ramallah. Washington appelle aux négociations, mais c’est autre chose qui préoccupe le mécène inconditionnel de l’État hébreu. Les États-Unis et Israël viennent d’achever des exercices militaires communs, mobilisant plus de 6000 combattants dans des théâtres moyen-orientaux – un avertissement d’envergure pour leur ennemi commun, l’Iran.
En Cisjordanie, les attaques de colons israéliens contre des civils palestiniens, et les tirs palestiniens contre des positions militaires israéliennes, s’intensifient. À Jérusalem, les Israéliens craignent la prochaine attaque, les Palestiniens la répression à venir. “La question, c’est de savoir si ce n’est qu’une secousse – ou le début d’un séisme” conclut Daniel Seidemann.