La lutte contre la corruption stagne, mais pas en Ukraine, indique un rapport de Transparency International
Transparency International a publié mardi l’Indice de perception de la corruption pour l’année 2022. La Belgique reste bloquée à la 18e place du classement. La Hongrie est le pays de l'Union européenne qui enregistre le pire score.
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Publié le 31-01-2023 à 17h25 - Mis à jour le 31-01-2023 à 20h59
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La corruption pose “une menace fondamentale à la paix et à la sécurité dans le monde”, a alerté l'organisation non gouvernementale (ONG) Transparency International mardi. L’invasion de l’Ukraine par la Russie en est “peut-être l’exemple le plus extrême”. Car au niveau national, personne ne pouvait contester cette décision du président Vladimir Poutine, qui a œuvré depuis plus de 10 ans pour se débarrasser de tout ce qui aurait pu remettre en question son pouvoir et pour lier la fortune des oligarques à leur loyauté envers le régime. “La corruption a ainsi facilité la consolidation de l’autocratie en Russie et, une fois Poutine fermement ancré au pouvoir, il a eu les coudées franches pour mener toutes les politiques qu’il souhaitait – y compris la guerre”.
Pourtant, au niveau mondial et y compris en Europe, la lutte contre la corruption a plutôt stagné en 2022, comme le démontre l’Indice de perception de la corruption (IPC), publié mardi. Réalisé chaque année par Transparency International, il permet de classer 180 pays selon la perception des niveaux de corruption dans le secteur public.
En pleine guerre, l’Ukraine continue sa lutte contre la corruption
Quelques exceptions sont à souligner. Et notamment l’Ukraine qui, bien qu’elle soit déchirée par la guerre, est parvenue à passer de la 122e place à la 115e place en un an. Un progrès dû notamment à la nouvelle stratégie nationale de lutte contre la corruption, adoptée par le Parlement ukrainien en juin 2022. S’il reste assez bas dans la liste de l’IPC, le pays part de loin, ayant été miné par la corruption et les abus de pouvoir pendant des années. Selon l’ONG, l’Ukraine “enregistre l’une des rares améliorations significatives de l’IPC, ayant gagné huit points depuis 2013” . Un bilan d’autant plus remarquable que l’occupation russe de la Crimée et des territoires à l’Est du pays remonte à 2014.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n’hésitera donc pas à vanter ce bilan lors du sommet entre l’Union européenne et l’Ukraine, qui se tient à Kiev ce 3 février. À cette occasion, le dirigeant espère en effet arracher des promesses quant à l’accélération du processus d’adhésion de son pays à l’UE, qui exige des réformes majeures en matière d’état de droit de la part de l’Ukraine, mais aussi une réelle volonté politique de la part des Vingt-sept.
L’Union européenne peine engranger des progrès
De manière générale, les pays d’Europe occidentale et de l’Union européenne constituent la région la mieux notée au monde dans l’IPC. Cette année, le Danemark a davantage amélioré ses performances en matière de lutte anticorruption et reste donc au sommet du classement. Il est suivi par la Finlande - qui partage sa “médaille de bronze” avec la Nouvelle-Zélande (pays d'Océanie). La Norvège complète le podium.
Néanmoins, la moitié des États de la région fait du sur place depuis plus d’une décennie, note l’ONG. Cette année, la Belgique reste ainsi à la 18e place du classement. “Il n’existe toujours pas de cadre général d’intégrité pour les ministres”, pointe Transparency International, qui salue par contre l’enquête au sujet de la corruption d’anciens et d’actuels membres du Parlement européen par des pays tiers, comme le Qatar et le Maroc.
La Hongrie s’installe à la dernière place du classement
De plus, les plus mauvais élèves de l’UE sont toujours les mêmes, à savoir la Roumanie, la Bulgarie et la Hongrie. À la différence que cette fois Budapest a “ravi” la dernière place à Sofia, pourtant habituée à occuper le bas du classement des pays de l’UE depuis 2009. C’est là, le “résultat d’une décennie de recul démocratique et de détérioration systémique de l’état de droit” en Hongrie, œuvre du Premier ministre Viktor Orban et son parti populiste, le Fidesz.
Après avoir longtemps rechigné à s’attaquer frontalement à cette dérive, les États membres de l’Union ont fini par créer, fin 2020, un nouvel outil permettant de suspendre le versement de fonds européens aux pays où ils sont exposés à des abus du fait des défaillances de l’état de droit. La Commission s’en est donc servie pour couper l’accès de la Hongrie à 6,3 milliards d’euros de fonds européens, en attendant qu’elle renforce la transparence, notamment des marchés publics, et la lutte anticorruption. C’est aussi de ces progrès que dépendra l’obtention par Budapest de son enveloppe de 5,8 milliards d’euros du plan de relance européen. Si le levier financier a poussé la Hongrie à mettre sur la table des réformes, “il n’est pas certain qu’elles soient efficaces dans un pays où l’équilibre des pouvoirs a été méticuleusement démantelé”, regrette Transparency International, qui doute de la volonté du gouvernement hongrois “de permettre un contrôle indépendant des dépenses publiques”.
Le moment d’agir
L’ONG épingle par ailleurs les tendances inquiétantes de l’Autriche, de la Pologne – cette dernière est également engagée dans un bras de fer avec la Commission au sujet de l’état de droit –, de Malte et de Chypre. Notons que le Royaume-Uni enregistre son pire score, dégringolant de cinq places par rapport à 2021. Résultat de l’érosion de la confiance des citoyens envers les pouvoirs publics britanniques, sur fond de scandales liés à la corruption politique et aux dépenses publiques.
Or, insiste Transparency International, c’est maintenant, à l’heure où “l’évolution du paysage sécuritaire et la récession imminente exigent des réponses énergiques”, qu’il faut agir davantage pour enrayer la corruption. Car les “influences indues sur la prise de décision […] et les menaces pour l’état de droit sapent l’efficacité des gouvernements”.