Réforme des retraites en France: le mouvement de contestation pourrait se durcir
Les syndicats sont galvanisés par la mobilisation de la première journée de manifestations,
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- Publié le 31-01-2023 à 06h45
- Mis à jour le 31-01-2023 à 15h50
Personne ne sait qui gagnera le bras de fer. Mais une chose est sûre : pour l’heure, aucun des deux camps n’a la main qui tremble. Juste avant la deuxième grande journée de mobilisation contre la réforme des retraites prévue ce 31 janvier, la Première ministre Elisabeth Borne a assuré sur France Info que l’âge légal de départ à la retraite fixé par la réforme à 64 ans n’est “plus négociable”. Une manière (fort peu originale) de dissuader ceux qui seraient tentés de rejoindre à nouveau les cortèges ou de les rallier pour la première fois. Las, on se souvient qu’en 2006, le Premier ministre d’alors, Dominique de Villepin, avait dit exactement la même chose au sujet de son contrat première embauche (CPE), avant de le jeter aux oubliettes quelques mois et beaucoup de manifestations plus tard. D’après la cheffe du gouvernement, 64 ans, c’est “le compromis proposé” après les discussions avec les syndicats et le patronat afin de répondre au double défi du vieillissement de la population et de la dégradation financière des caisses. Mais il suffit de se fondre dans un cortège de manifestants pour comprendre qu’ils rejettent catégoriquement l’idée de travailler jusqu’à cet âge avancé.
Plus d’un million de personnes attendues dans la rue
Après la très forte mobilisation du 19 janvier qui a vu entre 1 et 2 millions de personnes battre le pavé, les syndicats sont gonflés à bloc. Des cortèges sont prévus un peu partout en France, y compris dans des villes moyennes voire des petites communes de la France rurale, signe que la colère infuse dans tous les territoires. Cette fois, entre 1 et 1,2 million de manifestants sont attendus dans la rue, soit plus qu’en décembre 2019 contre le projet de retraite à points. Le nombre de manifestants pourrait atteindre le plus haut pic enregistré à l’automne 2010, en pleine fronde contre la loi Woerth repoussant l’âge légal de départ de 60 à 62 ans (ce qui n’avait pas empêché la loi de passer). Pas moins de 11 000 policiers et gendarmes seront mobilisés ce mardi 31 janvier, selon le ministre de l’Intérieur, soit 1 000 de plus que lors de la première journée de mobilisation. La grève s’annonce très suivie à l’école et dans les transports. D’importantes perturbations sont prévues à la SNCF et à la RATP, et dans une moindre mesure dans les airs. Air France a annoncé l’annulation d’un vol court et moyen-courrier sur dix.
En parallèle de la grève, des salariés organisent désormais des actions baptisées “Robin des bois”. Elles consistent à rendre l’électricité ou le gaz gratuits dans des crèches, des HLM, des hôpitaux et même pour des boulangers, dans plusieurs grandes métropoles comme Nice, Lille ou Paris. Ces opérations redonnent également accès à l’énergie à des particuliers qui auraient vu leur contrat suspendu cet hiver. “Ce sont des actions plutôt symboliques, mais qui font clairement passer le message qu’on peut intervenir où on veut et quand on veut. On est capable du meilleur comme du plus dur”, a expliqué au micro de RTL Claude Martin, secrétaire fédéral de la CGT des Mines et de l’Énergie. Ce syndicat a déjà par le passé coupé le courant volontairement à des dizaines de milliers de foyers et a menacé récemment d’en faire autant pour les élus qui soutiendraient la réforme.
L’épreuve de force démarre à l’Assemblée
Le bras de fer ne se joue plus uniquement dans la rue. À l’Assemblée aussi, l’épreuve de force commence. Une soixantaine de députés, membres de la commission des affaires sociales, examinent le projet de loi en commission depuis hier. Ils ont jusqu’à demain soir pour étudier les 7 000 amendements qui ont été déposés (dont 6 000 par la gauche), sachant que le projet de réforme doit être examiné dans l’hémicycle à partir du 6 février, pendant deux semaines.
Emmanuel Macron pensait le vote de son texte assuré grâce aux voix prétendument acquises de ses 252 députés Renaissance, Modem, Horizons et apparentés et à celles récemment gagnées des 63 députés républicains. Mais l’affaire n’est pas dans le sac, loin de là. “Parti comme c’est parti, il n’est pas du tout impossible que la réforme des retraites ne soit pas votée”, a ironisé la patronne des députés Rassemblement national (RN), Marine Le Pen. Trop contents de jouer les trouble-fêtes, certains élus de droite – ainsi que de la majorité présidentielle ! – menacent à présent de ne pas voter le texte si leurs amendements ne sont pas adoptés. De quoi faire trembler la Macronie. Cette réforme des retraites est la clef de voûte du deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron, qui ne fait que commencer. Or plus ses soutiens expliquent les bénéfices de cette réforme, moins ils convainquent. A contrario, ceux qui expliquent que la réforme est injuste et brutale, notamment pour les femmes aux carrières interrompues, les seniors sans emploi et les salariés de métiers pénibles, font mouche. Difficile d’imaginer dans ces conditions qu’un camp sorte vraiment gagnant de la confrontation.