Qatargate: un logo sur un sac saisi chez Panzeri pose une multitude de questions aux enquêteurs
Parmi les affaires saisies chez le principal inculpé, Pier Antonio Panzeri, se trouve un dossier du Croissant rouge émirati.
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Publié le 31-01-2023 à 21h00 - Mis à jour le 01-02-2023 à 19h37
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Principal accusé dans l’affaire du “Qatargate”, candidat repenti aux yeux de la justice belge depuis le 17 janvier, l’ancien eurodéputé italien Pier Antonio Panzeri s’est mis à table, selon une source proche de l’enquête. Comme l’avait promis son avocat, il parle aux enquêteurs de l’historique de cette affaire de corruption présumée au parlement européen, qui fait les grands titres de la presse internationale, des relations qu’il a tissées. Bref, un grand déballage est en cours sur une affaire qui remonte à 2014, selon deux avocats de la défense.
“Qatargate” ? Il faut élargir car le dossier dans les mains de la justice contient les noms d’autres pays que Panzeri a démarchés de façon très active. Ces pays sont accusés d’avoir généreusement arrosé plusieurs intermédiaires dans le but de défendre leurs intérêts stratégiques au sein du Parlement européen. Panzeri était aux commandes, avec son ONG paravent Fight Impunity, créée en 2019, mais il n’est sans doute pas le seul intermédiaire.

Le sigle du Croissant rouge des Émirats
Le Maroc, tout d’abord, est désigné sur information d’un pays ami dès le début de l’enquête lancée par la Sûreté de l’État. Pour rappel, Panzeri aurait noué un pacte secret avec la DGED (Direction Générale des Études et de la Documentation), les services de renseignement extérieur du Maroc par l’intermédiaire d’un ami, l’actuel ambassadeur du Maroc en Pologne. La Mauritanie est également citée. Elle est soupçonnée d’avoir payé le loyer de 1 200 euros de l’appartement à Bruxelles de Francesco Giorgi, l’ex-assistant parlementaire de Panzeri, et versé à ce dernier 25 000 euros en cash.
Enfin, l’une des valises saisies par la police belge au domicile de M. Panzeri contient un sac ou une enveloppe avec le logo du Croissant rouge des Émirats arabes unis. C’est un confrère arabe qui nous signale cette découverte après avoir regardé attentivement et agrandi les photos d’enquête diffusées par le journal Le Soir au début janvier. Le sigle du Emirates Red Crescent est plus lisible en arabe qu’en anglais. Ce n’est en tout cas pas le sigle du Qatar Red Crescent.

Ceci pose une multitude de questions aux enquêteurs. Car, durant plus de trois ans, de juin 2017 à janvier 2021, l’émirat gazier du Qatar a été soumis à un embargo par quatre pays, l’Arabie saoudite, l’Égypte, le Bahreïn et surtout, les Émirats, très irrités par la concurrence de Doha par rapport à Dubaï. Est-ce que les deux frères ennemis du Golfe – le Qatar et les Émirats – se sont livrés à une surenchère d’influence sur la scène bruxelloise ?
Des ASBL financées par les pays du Golfe
Bruxelles regorge d’organisations qui, sous couvert du statut d’ASBL, défendent les idées et intérêts de pays du Moyen-Orient. L’une d’entre elles, fondée en 2018 par deux avocats, le Middle East Dialogue Center est logée dans les bâtiments même de l’ambassade du Qatar, 1 rue Blanche à Bruxelles. Non loin de là, avenue Louise, a opéré Global Network for Rights and Development (GNRD), une ONG norvégienne financée par une société émiratie. Elle s’est fait connaître pour ses enquêtes… sur le sort des travailleurs au Qatar en 2014 avant que son quartier général de Stavanger, en Norvège, ne soit perquisitionné l’année suivante par la police norvégienne pour blanchiment d’argent présumé.
À grand renfort de tables rondes sur les droits de l’homme, de selfies avec des députés, de réceptions et de cadeaux, ces ONG croisent discrètement le fer et tissent leur toile autour des institutions européennes et de l’Otan, parfois de façon amateur, parfois de manière plus professionnelle. La question pour les enquêteurs est de savoir si la frontière entre simple lobbying et corruption a été franchie.
Jusqu’ici, quatre personnes ont été inculpées par le juge Michel Claise pour appartenance à une organisation criminelle, blanchiment d’argent et corruption, une vingtaine de perquisitions ont été menées et près d’1,5 million d’euros en cash ont été saisis. L’enquête n’est pas terminée.