Avec la réforme des retraites, les Républicains jouent leur va-tout et Macron, lui, joue gros
Troisième journée de mobilisation contre le projet de réforme des retraites. La mobilisation était en recul mais reste impressionnante. Pour faire passer son texte, le président Macron a besoin des voix LR...
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/c83846a5-4f52-4256-a322-74fcdf19034e.png)
Publié le 07-02-2023 à 19h59
:focal(2277.5x1527:2287.5x1517)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/IWMRCCRLAFDPTK57FOFEPOOGSM.jpg)
Un drôle de pas de deux. Alors que l’examen du projet de réforme des retraites a commencé à l’Assemblée le 6 février et que des millions de gens (”près de 2 millions”, selon la CGT qui annonçait 2,8 millions de participants le 31 janvier, et plus de deux millions le 19) ont à nouveau battu le pavé hier dans toute la France, les Républicains continuent de pousser leur avantage. Ils voulaient que les pensions des agriculteurs non-salariés soient calculées sur leurs vingt-cinq meilleures années plutôt que sur l’intégralité de leur carrière, ils l’ont obtenu. Ils souhaitaient que les actuels retraités, et pas seulement les futurs, bénéficient de la revalorisation de la pension minimale, top là. Ils exigeaient l’extension du dispositif carrière longue à ceux qui ont commencé à travailler à 21 ans ainsi qu’une clause de revoyure en 2027, bingo. Pourquoi tant de concessions, alors que la plupart des milliers d’amendements déposés par les autres partis d’opposition, la Nupes en tête, sont balayés d’un revers de main ? Tout simplement car le vote des Républicains est devenu le seul garant de l’adoption du texte, en l’absence d’une majorité absolue au Parlement. Sans le feu vert d’une partie des 62 députés républicains, le projet phare du deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron, sinon de ses deux mandats, finira à la poubelle !
”Des Républicains en position de force… mais faibles”
Drôle de destin pour un parti moribond, qui n’a obtenu que 4,78 % des voix à la dernière présidentielle et qui se cherche un avenir, des hommes de talent et accessoirement, des idées. “Il est vrai que grâce à cette réforme des retraites qu’ils appellent de leur vœu depuis longtemps – François Fillon en 2017 voulait carrément reculer l’âge légal de départ à 65 ans et non à 64 ans comme il en est question aujourd’hui -, les Républicains se trouvent en position de force”, estime Gilles Richard, professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université de Rennes et président de la Société française d’histoire politique. Mais “les Républicains sont faibles, précise-t-il. Et leur principale faiblesse, c’est que leur nouveau président Éric Ciotti a fait campagne cet hiver en tapant sur Emmanuel Macron. Et voilà que le premier dossier qu’il doit gérer l’amène à soutenir son texte !”. Pas simple, donc. D’autant qu’au sein du parti de droite, les avis divergent et les couteaux s’aiguisent. Chacun a bien l’intention de profiter du momentum pour faire entendre sa voix. Ainsi Aurélien Pradié, candidat malheureux à la présidence du parti, se montre inflexible ces derniers jours : si l’exécutif veut avoir son vote et celui de ses acolytes, il doit adopter son amendement sur les 43 années de cotisation pour les travailleurs de moins de 21 ans. “Notre amendement n’est pas édulcorable”, a tonné le jeune député du Lot, qui entend le défendre “à la virgule près”. A-t-il seulement conscience que si la réforme échoue, son parti en sera tenu pour responsable et sa résurrection s’en trouvera compromise ?
Pendant ce temps, la Première ministre poursuit sa mission : trouver les 289 voix nécessaires pour faire adopter son texte à l’issue d’un vote, et éviter de dégainer à nouveau l’article 49.3 dont elle a beaucoup fait usage ces derniers mois (dix fois précisément, pour faire passer les textes budgétaires). Alors elle lâche volontiers du lest auprès des Républicains. Tout en envoyant son ministre de l’Économie, autrefois un des leurs, à la radio pour siffler la fin de la récréation. “Je ne vois plus aucune raison pour Les Républicains de ne pas voter cette réforme”, a assuré Bruno Le Maire sur France Inter le 6 février, avant de les appeler à être “fidèles à leurs convictions”. Et afin de tempérer pour de bon les ardeurs, le chef de l’État aurait de nouveau agité, selon Europe 1, la menace d’une dissolution de l’Assemblée nationale avant la fin de son quinquennat.
Un piège tendu aux Républicains ?
Derrière ce jeu de dupes, Emmanuel Macron joue gros. “L’enjeu est considérable pour son parti présidentiel, Renaissance, analyse Gilles Richard. S’il parvient à scinder LR en deux, il pourrait récupérer certains de ses élus locaux, comme il l’a fait par le passé avec Christian Estrosi et Renaud Muselier dans le sud”.
Un autre homme se tient en embuscade, dans l’espoir de jouer un rôle politique décisif d’ici 2027 : Edouard Philippe. L’ex-Premier ministre et désormais maire du Havre est de retour dans l’arène politique ces jours-ci (notamment pour parler de sa maladie auto-immune, l’alopécie, qui lui fait perdre ses cheveux, ses sourcils et sa barbe). “Beaucoup d’élus républicains seraient prêts à quitter le parti désormais dirigé par Éric Ciotti. Plutôt que se tourner vers Emmanuel Macron, à l’image écornée, ils pourraient être tentés de rallier Edouard Philippe”, suggère le politologue. Signe qu’à travers cette fameuse réforme des retraites, il n’est pas seulement question de demander aux Français de travailler plus longtemps, mais bien aussi de peaufiner ses alliances, compter ses troupes… et préparer l’avenir.