Invité spécial du sommet européen, Volodymyr Zelensky veut pousser les Vingt-sept à accélérer leur aide militaire à l’Ukraine
Pour la première fois depuis l'invasion de son pays par la Russie, le président ukrainien est attendu à Bruxelles ce jeudi pour participer à une réunion des chefs d'Etat et de gouvernement européens.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/78864890-ba79-405f-8d57-4f32d2b014b6.png)
- Publié le 08-02-2023 à 22h11
- Mis à jour le 08-02-2023 à 23h10
Mais qui pourrait bien être “l’invité spécial” du sommet européen, qui tient ce jeudi à Bruxelles ? Serait-ce aussi pour lui que le Parlement européen a programmé une “séance solennelle” extraordinaire, à 10h, ce même 9 février ? Tout au long de la journée de mercredi, personne n’osait annoncer officiellement – mesures de sécurité obligent – ce que tout le monde savait déjà : le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’apprête à débarquer à Bruxelles pour la première fois depuis le début de l’invasion de son pays par la Russie, le 24 février dernier. Dans la soirée, l’intéressé a fini par confirmer lui-même sa venue dans la capitale européenne.
Très attendu, il s’arrêtera d‘abord au Parlement européen, dont la présidente Roberta Metsola avait été la première à se rendre à Kiev à peine un mois après le début de la guerre. L’invité d’honneur ukrainien devrait s’adresser pendant environ une heure aux députés européens – qui sont toujours prêts à se faire la voix des demandes de l'Ukraine et peuvent ainsi être pour elle des alliés précieux dans l’UE – , avant se diriger vers le bâtiment Europa, quelques rues plus loin, où se tiendra un Conseil européen extraordinaire. S’il est devenu un invité incontournable des réunions des chefs d’État et de gouvernement européens, à qui il s’adresse par visioconférence parfois de son bunker, quand ce ne sont pas ces derniers qui lui rendent visite un par un à Kiev, le chef de guerre n’avait pas encore eu l’occasion de s’adresser à l’ensemble des Vingt-sept, les yeux dans les yeux.
C’est un signal politique extrêmement important. Il y a presque un an, juste après le début de la guerre, il s’adressait à nous par visioconférence. On se disait que c’est peut-être la dernière fois qu‘on le verrait en vie. Désormais, il voyage assez librement et participe à un sommet européen.
”C’est un signal politique extrêmement important. Il y a presque un an, juste après le début de la guerre, il s’adressait à nous par visioconférence. On se disait que c’est peut-être la dernière fois qu‘on le verrait en vie”, se souvient le Premier ministre belge Alexander De Croo. “Désormais, il voyage assez librement et participe à un sommet européen.” Pour un diplomate européen, la “valeur symbolique de ce déplacement est indiscutable, étant donné aussi le soutien européen apporté à l’Ukraine”.
Un soutien européen majeur
Celui-ci est évalué au total à environ 50 milliards d’euros d’aide humanitaire et financière, fournie par l’Union européenne et ses États membres. À cela, s’ajoutent 17 milliards d’euros dédiés à l’accueil de près de 5 millions de réfugiés ukrainiens. De plus, avance le même diplomate, “le soutien politique fondamental” a été apporté par l’UE, qui a accordé à l’Ukraine le statut de candidat à l’adhésion en juin dernier. Parmi les alliés occidentaux de Kiev, ce sont aussi les Vingt-sept qui assument la plus lourde contrepartie aux sanctions adoptées contre la Russie, avec laquelle ils entretenaient des liens commerciaux et économiques importants, sans parler du fait qu'ils ont été forcés de commencer en urgence un sevrage de l'énergie russe.
Or voilà que Volodymyr Zelensky a effectué un détour par le Royaume-Uni jeudi, avant de venir dans l’UE, pour dîner à Paris avec le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz et de se mettre en route ensuite pour Bruxelles. “Arrêtons de regarder l’ordre des voyages de la perspective de l’UE. Le gars est en guerre”, rappelle un diplomate. Mais c’est aussi que, pour son premier voyage à l’étranger depuis le lancement de l’offensive russe, Volodymyr Zelensky avait choisi Washington, où il s’est rendu fin décembre, ce qui avait déjà généré une pointe de frustration du côté des Européens. “Ce n’est pas un concours de beauté”, s’agaçait une source européenne mercredi, non sans souligner que ce déplacement avait été nécessaire pour qu'un nouveau paquet de 50 milliards de dollars d’aides pour l’Ukraine passe la rampe du Congrès. Sous entendu : le président ukrainien n’avait pas besoin de venir dans l’UE, tant est inébranlable le soutien de cette dernière.
Objectif : obtenir des avions de chasse
Reste que cette nouvelle enveloppe a porté le soutien financier total des Américains à l'équivalent de quelque 100 milliards d’euros – notez aussi que, selon le Kiel Institute, qui analyse l’aide internationale à l’Ukraine, celle de Washington consiste principalement en dons, alors que l’UE a plutôt accordé des prêts. Surtout, ce sont les États-Unis qui restent le fournisseur numéro un d’armes à l’Ukraine, pour une valeur totale de 23 milliards d’euros. Les États membres de l’UE ont quant à eux fourni – parfois après de longues hésitations – 12 milliards d’euros d’équipement militaire à Kiev, soit de manière bilatérale soit à travers la Facilité européenne pour la paix (FEP), via laquelle l’UE finance la livraison d’armes à l’Ukraine à hauteur de 3,5 milliards d’euros.
Ce sera sans doute là l’un des messages clé que viendra délivrer M. Zelensky à Bruxelles. Selon un diplomate, “il sait très bien que ce n’est pas l’UE qui possède des tanks”, mais profitera surtout du sommet européen pour discuter, en bilatérale, avec les États membres qui ont le plus de capacités à l’aider militairement. Véhicules blindés, missiles à plus longue portée. équipement de défense aérienne… Tout est nécessaire alors que les Ukrainiens craignent une prochaine offensive russe majeure. Le président ukrainien plaidera notamment pour obtenir des avions de chasse, que ce soit auprès de la France, qui fabrique les siens, ou des pays, comme la Pologne ou les Pays-Bas, qui ne semblent pas fermés à l'idée de lui envoyer des F16. Si elle en possède, la Belgique dit ne pas pouvoir se défaire pour l’instant des siens.
L’autre enjeu est aussi de presser les Européens à livrer le plus rapidement possible ce qu’ils ont convenu, dont notamment des chars lourds, vu l’urgence de la situation sur le terrain.
La visite de M. Zelesnky pourrait par ailleurs servir de motivation aux Européens, alors que ce week-end la Commission européenne doit prendre la température des États membres sur sa proposition pour un dixième paquet de sanctions contre la Russie. L’idée serait cette fois de s’attaquer au commerce de tout ce qui peut permettre à la Russie de moderniser son économie et ses infrastructures de guerre. Mais sanctionner par exemple le secteur nucléaire russe, dont certains États membres restent dépendants pour leur propre énergie atomique, reste par exemple toujours un tabou...