À Rome, les sangliers font la loi: “Il y a déjà eu des incidents, le dernier en date est grave"
La réponse législative face à l’arrivée de ces animaux suscite un vif débat.
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- Publié le 09-02-2023 à 09h38
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Le parc de Villa Pamphili à Rome est un immense poumon vert dans le centre de la capitale. Cent soixante-huit hectares parsemés de chemins forestiers très fréquentés par les Romains, mais aussi par de nombreux sangliers. “Ici, nous sommes en plein centre, et un groupe de sangliers est entré, certaines personnes se sont retrouvées face à face avec eux”, explique ce promeneur accompagné de deux chiens en liberté. “Ils sont dangereux, ces sangliers, il suffit de pas grand-chose, les chiens par exemple, eh bien, s’ils poursuivent les sangliers, ils peuvent vraiment les énerver !” Les sangliers sont devenus l’obsession des Romains, car avant, les cochons sauvages ne fréquentaient que les parcs en périphérie, désormais ils sont entrés dans la ville ! “Rome est une des capitales européennes qui a le plus grand pourcentage d’espace vert”, explique Valerio Nicoluccio, un spécialiste de la faune. “Les sangliers ont trouvé à Rome les trois raisons pour lesquelles ils s’installent, l’eau, la nourriture et des abris. Les parcs leur servent de refuge, l’eau est à volonté et la nuit, ils sortent pour manger dans les containers des immondices.”
Les sangliers qui se promènent dans les rues de la Ville éternelle sont légion, et les vidéos qui circulent en ligne sont innombrables. “Non mais, c’est le comble, je me trouve ici le long du Tibre, dans le centre-ville, et je vois des sangliers !” commente cette conductrice qui filme avec son téléphone une famille composée de trois gros sangliers et de huit marcassins.
Un risque pour la sécurité routière
”On estime que tous les deux jours en moyenne il y a un accident de la route à cause des sangliers en Italie”, explique Valerio Nicoluccio, “voilà pourquoi le gouvernement a fait passer cette loi, même si elle crée plus de confusion qu’avant !” En décembre dernier, un député d’extrême droite a en effet inséré dans la loi du budget un amendement hors contexte. Ce dernier autorise la chasse et la capture d’animaux sauvages sur tout le territoire italien, même dans les zones interdites à la chasse comme les villes ou les réserves naturelles. “Attention, seuls les chasseurs autorisés avec port d’arme régulier peuvent, selon cette loi, intervenir dans ces activités dites de sélection”, précise Valerio qui est aussi formateur pour les chasseurs qui interviennent dans ces plans de réduction des animaux sauvages.
”Dans les zones urbaines, on doit privilégier les cages pour capturer les animaux avant de les supprimer, le fusil sera le dernier recours. Certains activistes ont diffusé un message erroné, comme si maintenant on pouvait tirer partout et dans toutes les circonstances !” Mais les défenseurs des animaux dénoncent un massacre annoncé et pensent que cette loi va transformer les parcs en Far West. “Il y a déjà eu des incidents, le dernier en date est grave, un homme a tiré de sa fenêtre pour tenter de tuer un pauvre sanglier qui flânait dans la ville, un autre a été surpris avec un arc à flèches pour tuer des sangliers, raconte Enrico Rizzi, un activiste défenseur des animaux. Nous pensons qu’il y a d’autres solutions avant de déclarer ouverte la chasse aux sangliers dans les villes, la stérilisation par exemple, mais les autorités ne veulent pas nous recevoir.” La région a déjà fait savoir que le plan de contrôle des sangliers prévoit l’abattage de milliers d’animaux avec des cages et des narcotiques, et dans certains cas le recours aux chasseurs sera autorisé.
Du sanglier au menu
La nouvelle norme prévoit aussi la commercialisation et la consommation de la viande des sangliers abattus. “La loi prévoit que ces sangliers seront analysés avant d’être vendus, notamment à cause de la peste porcine”, explique Nicodemo De Franco, président de la garde éco-animalière, “mais vous savez comment on fait les contrôles ici, 'à l’italienne'. J’ai quelques doutes, donc. Et mettre sur la table des restaurants de Rome de la viande de sanglier abattu dans les parcs, c’est une autre aberration de cette loi.” Plein d’ironie, le quotidien La Repubblica a imaginé le menu des restaurants romains qui, à côté des pâtes à la carbonara, proposeront bientôt “le filet de sanglier de Villa Borghese ou de la Cassia”. Mais les défenseurs des animaux espèrent que l’Union européenne sanctionnera l’Italie pour cette mesure qui s’applique à toute la faune sauvage et pas seulement aux sangliers. “Sous prétexte de diminuer le nombre de cochons sauvages, cette loi risque de libérer aussi la chasse aux renards, lapins, loutres et aux espèces protégées comme les loups et les ours qui s’approchent souvent des zones urbaines”, s’insurge Nicodemo De Franco. Bref, comme dans les meilleurs albums d’Asterix et Obelix, la nouvelle loi anti-sanglier sème déjà la zizanie et nul ne sait si un banquet – de sanglier – sera organisé prochainement par la Ville de Rome !