Le Parlement européen presse l’Union de ratifier un texte essentiel pour la défense des droits des femmes
Réunis en session plénière à Strasbourg, les eurodéputés appellent l’Union européenne à ratifier la Convention d’Istanbul. Le blocage de six États membres au Conseil peut être surmonté.
- Publié le 14-02-2023 à 17h17
- Mis à jour le 14-02-2023 à 17h33
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Au rythme actuel, l’Union européenne (UE) aura besoin d’environ 60 ans pour parvenir à l’égalité hommes/femmes. Ce chiffre, fourni par l’Institut européen pour l’égalité entre les femmes et les hommes, est repris dans le projet de résolution qui a été débattu mardi par le Parlement européen avant d’être soumis au vote ce mercredi. Il signale aussi – et c’est essentiel – que “l’éradication de la violence fondée sur le genre et tout particulièrement de la violence à l’égard des femmes et des filles est une condition préalable à la réalisation d’une véritable égalité”.
Pour les eurodéputés réunis en session plénière à Strasbourg, l’objectif est en effet d’appeler l’Union à ratifier sans tarder la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique plus connue sous le nom de Convention d’Istanbul.
Rappelons qu’avec ses quarante-six États membres, le Conseil de l’Europe est une organisation distincte de l’Union des Vingt-sept. Voué à la défense de la démocratie, des droits fondamentaux et de l’état de droit sur le continent, il a un champ d’action spécifique mais travaille autant que possible en lien avec l’Union européenne (UE).
Blocage de six États membres
Or, si l’Union a signé la Convention d’Istanbul en 2017, elle n’en est pas “partie” puisqu’elle ne l’a toujours pas ratifiée. La situation est d’autant plus aberrante que la Commission von der Leyen a inscrit la fin de la violence fondée sur le genre au rang de priorité essentielle de sa politique en faveur de l’égalité hommes/femmes 2020-2025 et appelé à la ratification de la Convention en question.
Le blocage vient donc du Conseil de l’UE où six États membres – la Hongrie, la Bulgarie, la Lettonie, la Lituanie ainsi que les République tchèque et slovaque – s’arc-boutent contre un texte auquel ils reprochent en vrac de promouvoir l’homosexualité en évoquant l’identité “de genre” qui effacerait la notion de “sexe biologique”, de s’opposer aux valeurs de la “famille traditionnelle” jalouse de sa sphère privée, d’accorder une protection spécifique aux réfugiées et migrantes, voire d’être “anticonstitutionnel”. La Pologne quant à elle veut s’en retirer après l’avoir ratifié en 2015.
Saisie par le Parlement européen sur la nécessité ou pas d’obtenir l’accord de tous au Conseil pour ratifier la Convention d’Istanbul, la Cour de justice de l’Union européenne a tranché dans un avis rendu le 6 octobre 2021 : une unanimité n’est pas nécessaire, l’UE peut aller de l’avant. “Les feux sont donc au vert” , commente Frédérique Berrod, professeure à Sciences Po Strasbourg, “et le Parlement en accord avec la Commission a manifestement décidé d’envoyer un signal fort.”
Une Européenne sur trois victime de violences
Cette spécialiste des relations Union européenne/Conseil de l’Europe relève que, parallèlement à son appel à la ratification de la Convention d’Istanbul, la Commission européenne a publié en mars 2022 sa propre proposition de directive européenne pour lutter contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique. “Les deux textes se complètent, précise-t-elle, la proposition de directive de l’Union introduit notamment la violence en ligne qui n’apparaissait pas dans la Convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe entrée en vigueur il y a 12 ans. La première se réfère à la seconde, les deux se renforcent.”
Constructive dans les pays où elle est appliquée (par exemple, création de numéros dédiés, de refuges, ou bien encore d’évolution dans la définition juridique du viol en Suède, en Croatie, à Malte et au Danemark), la Convention d’Istanbul reste en effet “la référence internationale pour l’élimination de la violence sexiste”, souligne la résolution qui sera votée mercredi. Appel est fait à sa ratification tant par l’Union européenne que par les pays récalcitrants afin de permettre une “politique intégrée” face à un phénomène aggravé par la pandémie de Covid-19.
En 2014, l’Agence européenne des droits fondamentaux relevait que, dans l’Union, une femme sur trois avait subi des violences physiques et/ou sexuelles et il fut précisé, lors des débats, qu’une nouvelle enquête en cours indiquait déjà une augmentation du phénomène.
L’heure n’est donc plus à tergiverser, estime le Parlement européen qui appellera mercredi à la ratification de la Convention d’Istanbul.