La Commission européenne saisit (encore) la justice européenne contre la Pologne
Elle estime que le Tribunal constitutionnel polonais bafoue le droit de l’Union, en contestant la primauté du droit européen.
Publié le 15-02-2023 à 17h35
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Ouvert depuis que le gouvernement ultra-conservateur au pouvoir à Varsovie a entrepris de saper l’indépendance de la justice de son pays, le conflit juridique entre la Commission européenne et la Pologne connaît un nouveau développement. L’exécutif européen a annoncé, ce mercredi, sa décision de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’un recours contre la seconde, en raison des violations du droit de l’Union par le Tribunal constitutionnel polonais. La Commission considère par ailleurs que ce Tribunal, passé sous le contrôle de l’exécutif depuis le retour au pouvoir du parti Droit et Justice (PiS), ne satisfait plus aux exigences d’un tribunal indépendant et impartial.
En saisissant la justice européenne, la Commission dit poursuivre son objectif "de veiller à ce que les droits des citoyens polonais soient protégés et à ce qu'ils puissent bénéficier des avantages de l'UE de la même manière que tous les citoyens de l'Union".
Varsovie n'en fait qu'à sa tête
Cette rébellion juridique était la réponse de Varsovie à l’arrêt de la CJUE du 14 juillet 2021. Celle-ci exigeait le démantèlement de la chambre disciplinaire de la Cour suprême polonaise, au prétexte que ces conditions de création, de composition, l’étendue des compétences et la constitution ne répondent au droit de l’Union. Cette chambre disciplinaire est vue par la Commission comme un instrument utilisé par le gouvernement polonais pour restreindre l’indépendance des juges. Quelques jours plus tard, le Tribunal constitutionnel polonais, un organe à la botte de l'exécutif depuis 2015-2016, jugeait les décisions de la CJUE sur la chambre disciplinaire incompatibles avec la Constitution polonaise. Avant d’enfoncer le clou, quelques mois plus tard, en se prononçant un verdict remettant en cause la primauté du droit.
La facture pour Varsovie gonfle chaque jour
Faute d’avoir respecté l’arrêt des juges des Luxembourg, la Pologne est soumise à une astreinte journalière de 1 million d’euros depuis novembre 2021. La facture s’élève aujourd’hui à 440 millions d’euros, dont une partie est déduite des fonds européens versés à la Pologne.
Le retard pris par Varsovie pour se conformer aux injonctions de la justice européenne l’empêche par ailleurs, d’avoir accès aux 36 milliards d’euros (23,9 milliards d’euros de subventions et 12,1 milliards de prêts) qui lui sont réservés dans le cadre du plan de relance européen. Avant de recommander aux États membres de donner leur vert, la Commission attend que la Pologne revienne sur certaines des mesures qui contraignent l’appareil judiciaire. Le président polonais Duda a récemment refusé de signer un texte du Sjem allant dans ce sens, et demandé l’avis… du Tribunal constitutionnel.