Le président de la BBC démissionne parce qu'il avait oublié de déclarer qu'il avait aidé Boris Johnson à obtenir un prêt
Richard Sharp avait été désigné pour être le patron de l'audiovisuel public quelques temps après avoir joué les entremetteurs en faveur du Premier ministre
Publié le 28-04-2023 à 22h31
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Il suffit d’avoir une notion, même vague, de ce qu’est un conflit d’intérêts pour comprendre combien était inconfortable la position du président de la BBC, Richard Sharp. Le patron du géant de l’audiovisuel britannique de service public a démissionné, ce vendredi, après qu’une enquête indépendante a confirmé qu’il avait négligé de déclarer le rôle d’entremetteur qu’il a joué pour aider Boris Johnson, alors Premier ministre conservateur, à obtenir une garantie pour un prêt de 800 000 livres sterling (906 000 euros). Quelques semaines plus tard, en février 2021, M. Sharp avait été nommé président de la BBC sur les recommandations de M. Johnson.
Une violation des règles “par inadvertance”
Une enquête sur cette affaire avait été ouverte après que le Sunday Times a révélé que M. Sharp, avait aidé une de ses connaissances, Sam Blyth, à entrer en contact avec le Premier ministre Johnson, auquel M. Blyth voulait faire un prêt de 800 000 livres pour aider l’occupant du 10 Downing street à traverser les difficultés financières qu’il connaissait à ce moment.
Le rapport d’enquête souligne qu’en oubliant d’indiquer qu’il était intervenu pour que M. Johnson obtienne ce prêt, Richard Sharp avait risqué de donner l’impression qu’il n’était pas indépendant vis-à-vis de celui qui était alors Premier ministre. Les auteurs du rapport jugent aussi qu’il risquait de donner l’impression d’influencer Boris Johnson pour obtenir son soutien, en l’avertissant de sa candidature à la présidence de la BBC avant de la soumettre formellement.
Bien qu’il ait violé le code de l’institution qu’il préside concernant les nominations publiques, M. Sharp aurait pu, théoriquement, rester en poste. Insistant sur le fait qu’il a violé les règles “par inadvertance”, il est cependant arrivé à la conclusion que son maintien à la présidence n’était pas souhaitable pour l’image de la BBC, déjà bien écornée par une série de scandales et de polémiques.
Un proche du parti conservateur
Richard Sharp, 67 ans, est un compagnon de route du parti conservateur, dont il était un donateur. L’année précédente, il était encore conseiller de Rishi Sunak, lorsque celui-ci était chancelier de l’Échiquier (ministre des Finances). À l’époque où il travaillait à la banque d’affaires Goldman Sachs, M. Sharp avait été le patron de l’actuel Premier ministre aux débuts des années 2000. Il connaît également très bien Boris Johnson, qu’il conseillait lorsque celui-ci était maire de Londres.
M. Sharp quittera sa fonction à la fin du mois de juin. Le résultat de l’enquête indépendante contribue à jeter le doute sur l’impartialité de la BBC – une accusation qui, à la vérité, fuse de part et d’autre du spectre politique.
Des bancs de l’opposition, les voix du parti travailliste et des libéraux-démocrates se font entendre pour la nomination de son successeur ne soit pas un “fait du prince” politique, mais le résultat d’un processus indépendant. S’y joint celle de l’ancien footballeur international et présentateur vedette de l’émission Match of the day, Gary Lineker. Ce dernier avait été brièvement suspendu par la BBC pour avoir déclaré sur Twitter que le discours du gouvernement sur les migrations rappelait “le langage tenu en Allemagne dans les années 30.” Sur le même réseau social, M. Lineker a exprimé l’opinion que le président de la BBC ne devrait pas être choisi par le gouvernement, “ni maintenant, ni jamais”.