Comment la Commission veut harmoniser les règles d'éthique pour les responsables politiques des institutions européennes
Mercredi 7 juin, l’exécutif européen devrait proposer de créer un nouvel organisme d’éthique qui imposera des standards communs à dix institutions européennes. L’effet “Qatargate” se fait sentir.
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Publié le 26-05-2023 à 19h42 - Mis à jour le 26-05-2023 à 19h44
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Le chantier était en cours depuis un moment déjà, mais le Qatargate a certainement accéléré les choses. Mercredi 7 juin, la Commission européenne devrait proposer de créer un nouvel organisme d’éthique, qui imposerait des règles de conduite communes aux responsables politiques de dix institutions européennes, selon les informations obtenues par La Libre.
Le sujet n’est pas pris à la légère, vu les dommages réputationnels causés par le scandale de corruption au Parlement européen, dont des actuels et anciens membres sont suspectés d’avoir été soudoyés par le Qatar ou le Maroc. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, tient d'ailleurs à être physiquement présente lors du vote de cette proposition en collège des Commissaires. “Pour que les Européens aient confiance en notre Union, il faut que ses institutions soient transparentes et irréprochables”, estimait-elle dans son programme en 2019, où elle plaidait déjà pour établir un tel organe.
Une version soft, mais qui peut convaincre
La question s’est avérée sensible, alors que plusieurs institutions rechignent à rendre des comptes à une autorité externe, craignant aussi des normes générales peu adaptées à leur propre fonctionnement. Il n’est donc pas étonnant que la Commission ait opté pour la version soft d’un organe d’éthique : non, il n’aura pas le pouvoir d’enquêter ou de lancer des procédures judiciaires en cas d’abus, comme l’aurait souhaité le Parlement européen, qui cherche en ce moment à laver plus blanc que blanc. Au-delà des obstacles légaux, une telle proposition serait mort-née, a jugé l’exécutif européen, estimant qu’elle n’aurait jamais fait l’objet d’un accord interinstitutionnel.
Même en l’état, le texte ne passera pas comme une lettre à la poste et pourrait subir des modifications, mais un échec ne semble pas être une option, dans le contexte du Qatargate et à l’approche des élections européennes.
Des normes pour les politiciens, pas les fonctionnaires
La responsabilité du nouvel organe sera de fixer des normes éthiques pour ceux qui ne sont soumis actuellement à aucun régime harmonisé. À savoir… les politiciens, ceux qui ont été nommés ou élus, qui adoptent les décisions européennes. Rien n’oblige en effet les institutions à imposer des règles à ces responsables et chacune peut agir comme bon lui semble pour prévenir, par exemple, les conflits d’intérêts. La Commission fixe donc les normes de conduite pour ses commissaires, tandis que le Parlement européen le fait (mal, diraient certains) pour ses eurodéputés…
Pour le Conseil européen, seul le président, poste actuellement occupé par Charles Michel, serait concerné ; les autres membres, à savoir les dirigeants des Vingt-sept, étant soumis à leurs régimes nationaux respectifs. Pour ce qui est du Conseil de l’UE, les nouvelles normes communes ne s’appliqueraient qu’aux ministres du pays occupant la présidence tournante de l’Union.
Il faut souligner que les fonctionnaires ne seront pas concernés, puisqu’eux sont visés par un règlement commun à toutes les institutions – même si cela n’a pas empêché des dérives. Rappelons qu’en mars 2023, Henrik Hololei, directeur général à la Commission, a dû faire un pas de côté, suite à des révélations sur ses voyages payés par le Qatar qui fleuraient bon le conflit d’intérêt.
Un minimum d’éthique
En pratique, l’organe d’éthique, qui sera basé à Bruxelles, comptera des experts indépendants, ainsi qu’un représentant pour chacune des huit institutions qui décident d'y participer (Commission, Parlement européen, Conseil de l’UE, Conseil européen, Comité des régions, Comité économique et social, Banque centrale européenne et Banque européenne d’investissement). La Cour des comptes et la Cour de justice de l’UE n’en seront pas par souci d’indépendance, mais elles devraient néanmoins se plier au jeu.
Une fois en poste, les membres auront six mois pour fixer ensemble des standards communs. Intérêts et avoirs financiers à déclarer, acceptation de cadeaux ou voyages offerts par des tiers, transparence quant aux réunions avec des lobbies, activités pouvant (ou non) être exercées juste après la fin du mandat… L’objectif est aussi d’harmoniser les mécanismes de contrôle du respect des règles, qui seront certes propres à chaque institution, mais devront être “efficaces” et “indépendants”.
Les institutions concernées devront ensuite procéder à une introspection pour identifier leurs failles, qu’elles auront l’obligation légale de corriger. Attention, on parle bien de normes “minimum” : pas question pour une institution de faire de l’harmonisation par le bas, si jamais ses règles s’avèrent être plus strictes.
Notez que les comportements visés ne sont pas forcément de nature criminelle. Pour ces cas, comme le Qatargate, il y a les autorités nationales compétentes, tandis que l’Office européen de lutte antifraude et le parquet européen peuvent s’intéresser aux fraudes et affaires de corruption liées à l’UE. Ici, l’enjeu est plutôt d’établir un code de conduite politique, mais qui devrait malgré tout compliquer (un peu) la vie des corrompus…