Le nord du Kosovo s’embrase avec l’entrée en fonction de maires albanais dans des communes à majorité serbe
Des soldats de la mission de l’Otan ont été blessés en tentant de s’interposer entre la police du Kosovo et des manifestants serbes. Ces derniers s’opposent à ces quatre maires albanais soient installés, alors que le scrutin a été boycotté par les représentants de la communauté serbe.
Jean-Arnault Dérens- Publié le 30-05-2023 à 19h18
- Mis à jour le 31-05-2023 à 11h02
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C’est une nouvelle flambée de violence d’une particulière gravité que connaît le nord du Kosovo. Après de premiers heurts vendredi, une accalmie durant le week-end, de nouveaux affrontements ont fait une cinquantaine de blessés lundi, dont 30 soldats de la Kfor, la mission de l’Otan, qui ont tenté de s’interposer entre la police du Kosovo et les manifestants serbes. Ces derniers s’opposent à l’entrée en fonction des maires albanais élus dans les quatre communes majoritairement serbes du nord.
Cette région est un foyer constant de tensions sur lequel Belgrade et Pristina soufflent depuis la fin de la guerre, en 1999, et l’engrenage ayant mené à ces nouvelles violences est bien connu.
Le gouvernement de Pristina voulait interdire l’usage des plaques d’immatriculation serbe dans le nord, ce qui a provoqué la démission des conseils municipaux le 5 novembre dernier. Après plusieurs reports, des élections municipales partielles ont eu lieu le 23 avril, mais elles ont été boycottées par la Lista Srpska, le parti téléguidé par Belgrade qui monopolise la représentation politique des Serbes du Kosovo. En conséquence, la participation a “plafonné” à 3,5 % des inscrits et des maires albanais ont été élus. Pristina a choisi la manière forte, vendredi, pour leur permettre d’entrer en fonction en prenant possession des bâtiments municipaux.
Inquiétudes américaines
Cette initiative de Pristina a été condamnée sans équivoque par les États-Unis, le secrétaire d’État Blinken dénonçant le risque d’une “escalade des tensions”, alors même qu’un accord “historique” semblait à portée de main il y a encore quelques semaines. Belgrade et Pristina avaient en effet accepté le plan européen prévoyant, en substance, que la Serbie ne s’oppose plus à l’intégration du Kosovo dans les différentes organisations internationales dont il est encore exclu – à commencer par les Nations unies – en échange de quoi Pristina s’engage à créer une association des communes à majorité serbe, dont la création a fait l’objet d’un accord signé en 2015 mais jamais appliqué depuis…
Le Premier ministre Kurti traîne toujours les pieds, redoutant que cette “association” ne soit qu’un prélude à la reconnaissance d’une autonomie territoriale des Serbes du Kosovo, voire à une partition du petit pays. C’est en tout cas sur Pristina plus que sur Belgrade que la responsabilité des derniers incidents est rejetée, et cette séquence intervient même à point nommé pour le président serbe Vucic, défié par une forte contestation interne et qui pourra faire taire ses opposants en invoquant “l’union nationale” face aux événements du Kosovo.
La question est désormais de savoir comment sortir de l’impasse. Lundi soir, les ambassadeurs du “Quint” (Allemagne, États-Unis, France, Italie, Royaume-Uni) ont proposé que les maires quittent les mairies et siègent “provisoirement” dans des “locaux alternatifs”, mais encore faudrait-il qu’ils puissent physiquement le faire. Mardi après-midi, deux maires étaient toujours bloqués dans des mairies assiégées par les manifestations, à Zubin Potok et Leposavic.
Le chef de la diplomatie de l’Union européenne Josep Borrell a appelé mardi Serbes et Kosovars à “désamorcer les tensions immédiatement et sans condition”. Les États membres de l’UE “discutent de possibles mesures à prendre si les parties continuent de résister aux mesures proposées en vue d’une désescalade”, a indiqué l’Espagnol, depuis Bruxelles, après des entretiens téléphoniques avec Albin Kurti et Alexander Vucic. L’Otan a de son côté annoncé par communiqué “le déploiement de forces supplémentaires de l’Otan au Kosovo est une mesure de prudence pour s’assurer que la Kfor dispose des capacités dont elle a besoin pour maintenir la sécurité”.