Pedro Sánchez fait tapis après la débâcle de la gauche aux élections locales de dimanche
Le Premier ministre socialiste crée la surprise en convoquant pour cet été des élections générales attendues pour décembre. Objectif : éteindre l’euphorie à droite et mobiliser la gauche en agitant la menace d’une coalition avec l’extrême droite
- Publié le 30-05-2023 à 19h48
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Un mouvement tactique audacieux. En Espagne, le Premier ministre socialiste Pedro Sánchez a pris tout le monde de court en annonçant la convocation des élections générales pour le 23 juillet. Initialement programmées pour décembre, elles désigneront la majorité qui gouvernera le pays pour les quatre prochaines années. Après la débâcle pour la gauche aux élections locales de ce dimanche, la droite part clairement favorite. Le Premier ministre cherche à reprendre la main, avec un pari qui semble téméraire à première vue, mais que les observateurs de la vie politique jugent très rationnel.
Car les résultats des régionales et municipales de ce dimanche ont été un triomphe pour la droite, une défaite pour la gauche et un coup dur pour le gouvernement de coalition réunissant le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) et la formation de gauche radicale Unidas Podemos. Les socialistes dirigeaient la majorité des Régions et des grandes villes. Ils en ont perdu la plupart. De son côté, le Parti populaire (PP – droite classique) se place en tête dans la majeure partie des territoires. Il aura toutefois besoin du parti d’extrême droite Vox pour obtenir une majorité absolue dans un certain nombre de mairies et de parlements régionaux.
Ces élections locales, peu avant les générales, est un bon indicateur de l’équilibre des forces dans le pays. Celui qui les gagne à tendance à remporter le scrutin national. La défaite est d’autant plus cuisante pour Pedro Sánchez que le rendez-vous avec les urnes de ce week-end a largement été présenté comme un premier tour des législatives, et transformé en une sorte de plébiscite sur sa personne.
“J’assume personnellement la responsabilité de ce résultat. […] Je crois qu’une clarification sur la volonté des Espagnols [est nécessaire] […] et que le mieux est qu’ils se prononcent sans attendre”, a déclaré le Premier ministre, lundi matin, dans une allocution qui annonçait la tenue des élections générales cet été. Avancer la date de ce scrutin attendu pour la fin de l’année lui permet d’éviter une lente agonie. “Sánchez n’aurait plus été en mesure de gouverner. Ses alliés au parlement, sévèrement punis dans les urnes ce dimanche, n’étaient plus disposés à négocier avec lui (de peur d’être punis plus durement encore, NDLR)”, analyse Fernando Vallespín, professeur de sciences politiques à l’Université autonome de Madrid. Cela évite aussi de laisser le temps au PSOE lui-même de questionner l’autorité du chef.
Mettre les partis en ordre de bataille, à droite comme à gauche
Au passage, Pedro Sánchez coupe l’herbe sous le pied du PP, qui souhaitait profiter de sa victoire pour galvaniser ses partisans et à installer l’idée qu’un “nouveau cycle politique” s’était ouvert en Espagne. Toute la presse parlait du triomphe de la droite ce lundi. Le lendemain, les gros titres ont été pour la convocation anticipée des élections. Au lieu de célébrer leur victoire, les partis de droite et d’extrême droite doivent maintenant former les rangs pour repartir au combat.
C’est aussi valable à la gauche du PSOE, où Podemos se querelle avec le nouveau venu, Sumar, pour le leadership de cet espace politique. Ce qui affaiblit toute la gauche.
Car il s’agit aussi de mobiliser la gauche. “De nombreuses institutions seront désormais administrées par [des] majorités, formées par le PP et par Vox. Les votes d’hier concernent les communes Régions, mais ils envoient un message qui va plus loin”, a estimé Pedro Sánchez, lundi matin. “En pleine campagne pour les générales, on observera la formation des exécutifs régionaux, que le PP ne peut composer sans Vox”, souligne Jaime Ferri Dura, professeur de sciences politiques à l’université Complutense de Madrid. Un puissant argument de mobilisation à gauche. Et un répulsif pour les électeurs tentés de basculer à droite. Tous les sondages qui donnent la victoire au PP annoncent qu’il ne pourra pas gouverner sans l’extrême droite au niveau national.
Enfin, les lois et mesures sociales, dont les adoptions se sont multipliées à l’approche des élections, emportent l’adhésion d’une large partie des Espagnols. Existe-t-il encore une majorité de gauche, qui ne s’est simplement pas mobilisée dimanche ? “La victoire de la droite a été impressionnante en termes de postes, ce dimanche. Mais le nombre de voix qui place le PP en tête est assez réduit”, rappelle Jaime Ferri Dura.
Des répercussions européennes
Ce pari n’est pourtant pas sans conséquences pour l’Union européenne (UE). L’Espagne assumera la présidence du Conseil de l’UE pour six mois à partir du 1er juillet. Madrid assure qu’elle ne sera pas affectée, mais un pays en campagne ou une équipe qui s’installe ne sont pas dans les meilleures conditions pour diriger les travaux du Conseil. D’autant plus que c’est la dernière présidence complète avant les élections européennes de juin 2024. S’ils ne sont pas bouclés avant, de nombreux dossiers sur lesquels planche l’UE risquent d’être bloqués pour un moment.