Tensions au Kosovo: "Les débordements entre Serbes et Kosovars étaient attendus”
Directeur-adjoint de l’Institut Musine Kokalari pour les politiques sociales, un think tank de Pristina, Belgzim Kamberi, pose le contexte des événements qui agitent le nord du Kosovo.
Jean-Arnault Dérens- Publié le 30-05-2023 à 19h20
- Mis à jour le 30-05-2023 à 19h27
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Comment expliquer les violences d’hier dans le nord du Kosovo ?
Ces débordements étaient attendus. Après le conflit qui avait opposé Belgrade et Pristina sur la question des plaques d’immatriculation, les Serbes ont quitté à l’automne 2022 toutes les institutions du Kosovo, comme la police et la justice. Dans cette logique, la Lista Srpska, le parti télécommandé par Belgrade, avait appelé au boycott des élections municipales partielles convoquées dans les quatre communes du nord. Les négociations menées à Ohrid, en Macédoine du Nord, le 18 mars dernier devaient mener à une normalisation des relations entre le Kosovo et la Serbie, mais elles semblent oubliées.
C’est une défaite pour l’Union européenne, qui avait affirmé qu’un accord avait été trouvé, même si celui n’avait pas été ratifié par les deux parties. La gravité de la situation sécuritaire a nécessité l’envoi de la Kfor, mais cela signifie aussi qu’une partie du territoire du Kosovo est de nouveau directement gérée par la communauté internationale. Cela montre aussi que les États-Unis veulent reprendre les choses en mains, même si ce sont des soldats européens qui étaient déployés sur le terrain. C’est du reste l’ambassadeur américain qui a négocié avec les uns et les autres.
Assiste-t-on à un basculement des alliances dans la région ?
Aleksandar Vučić doit se frotter les mains, en regardant les critiques essuyées depuis des mois par le Premier ministre du Kosovo Albin Kurti. Vendredi, ce dernier a encore reçu une volée de bois vert de la part du Secrétaire d’État Antony Blinken, pour avoir tenté de prendre par la force les bâtiments des municipalités du nord. Il est en effet maladroit de passer autant de temps à la table des négociations pour envoyer ensuite les unités spéciales de la police… Les Américains ont aussi été très contrariés par les violences qui ont visé la Kfor, et qui ont très certainement été organisées par les autorités serbes. Aleksandar Vučić doit gérer une forte contestation interne et le meilleur moyen de casser cette dynamique est de provoquer du grabuge au Kosovo.
La souveraineté de Pristina sur les zones serbes ne pourra pas se rétablir par la force. Il faut donc revenir à la table des négociations et trouver un compromis qui permette aux uns et aux autres de ne pas perdre la face”
Le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, ne s’est pas privé de jeter de l’huile sur le feu, expliquant qu'“une grande explosion menace (de se produire) au cœur de l’Europe”…
Les images de ces soldats de l’Otan blessés dans les rues de Zvečan sont bien sûr bienvenues pour la Russie et la situation pourrait devenir dangereuse si jamais il y avait un mort, parmi les manifestants comme parmi les soldats occidentaux, mais la question est de savoir comment sortir de l’impasse. Il est clair que la souveraineté de Pristina sur les zones serbes ne pourra pas se rétablir par la force. Il faut donc revenir à la table des négociations et trouver un compromis qui permette aux uns et aux autres de ne pas perdre la face et d’avancer vers la mise en œuvre d’un accord de paix.