Réforme des retraites en France: la majorité torpille les plans de l’opposition
La majorité présidentielle empêche un projet de loi d’abrogation.
- Publié le 01-06-2023 à 09h45
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L’ambiance était électrique, ce mercredi, à la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale. Les parlementaires qui y siègent ont examiné la proposition de loi du groupe d’opposition Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT) visant à abroger la réforme des retraites. Adoptée le 20 mars sans vote des députés, cette réforme relève progressivement l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans en 2030.
Après avoir donné l’impression d’accepter le débat, la majorité présidentielle a changé de stratégie. Elle s’est attelée ces derniers jours à trouver tous les moyens possibles pour torpiller la proposition de loi avant qu’elle ne soit soumise à l’ensemble des députés le 8 juin. Premier et principal objectif : faire rejeter l’article premier de ce texte, qui avait pour but de ramener l’âge de départ à la retraite à 62 ans.
La majorité et ses 32 députés siégeant à la commission des Affaires sociales y sont parvenus, hier midi. Ils ont pu compter sur six des huit élus Les Républicains (LR) pour contrer le bloc de 32 parlementaires composé des groupes LIOT, Rassemblement national (RN) et de la coalition de gauche, la Nupes, rejoint par deux députés LR.
Des débats agités
Les débats se sont poursuivis dans la cacophonie. L'opposition a déposé des milliers d'amendements pour faire traîner les discussions et empêcher un vote sur l'intégralité de la proposition de loi. Dans ce cas, c'est la version originale du texte qui doit être débattue au Palais-Bourbon. Mais à 13 h 30, la présidente de la commission Fadila Khattabi (Renaissance) a annoncé que le bureau n'examinerait pas ces amendements portés par l'opposition "de manière abusive à des fins d'obstruction". Cette décision a provoqué l'ire de la gauche. "Sans sourciller, vous avez bafoué le droit le plus élémentaire de notre mandat de député, vous avez nié le droit d'amendement", a déploré Arthur Delaporte (Parti socialiste, PS). "On va vous laisser tranquilles, on va vous laisser entre vous", a ajouté Pierre Dharréville (Parti communiste français, PCF), avant que la Nupes ne claque la porte.
Les débats, qui auraient pu se prolonger jusqu’au 5 juin, se sont clos hier à 16 h, avec l’adoption d’un texte vidé de sa substance.
Le groupe LIOT voudra, à coup sûr, présenter un amendement reprenant l’article premier de sa proposition de loi quand tous les députés se pencheront, le 8 juin, sur le texte approuvé en commission. Mais la majorité a dévoilé son arme secrète : l’article 40 de la Constitution. Il prévoit que les propositions ne doivent pas engendrer une charge financière supplémentaire pour l’État. La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet (Renaissance), l’a déjà assuré : elle déclarera l’amendement irrecevable.
L’opposition ne recule pas
Mardi, le président de la commission des Finances et député Éric Coquerel (LFI) avait jugé "recevable" la proposition LIOT, plaidant pour une "application souple" de la Constitution, au nom de la défense de "l'initiative parlementaire" et du "droit de l'opposition". La majorité n'est, bien sûr, pas du même avis.
Pour le député Sylvain Maillard (Renaissance), cette initiative n'est qu'"un coup de com' politique, une arnaque", soulignant que "jamais cette proposition de loi ne sera votée au Sénat", effectivement acquis à la cause de la réforme des retraites, et qu'elle est "inconstitutionnelle".
Sur ce dernier point, l'opposition n'est pas d'accord. Elle a également relevé que des textes proposés par le camp présidentiel ont été adoptés alors qu'elle aurait pu brandir l'article 40. "Jusqu'au bout, nous nous battrons contre ce déni de démocratie", a assuré le rapporteur de la proposition de loi, le député Charles de Courson (LIOT), à la sortie de la commission des Affaires sociales, avant de prévenir : "Une motion de censure finira par passer, et peut-être dans un délai pas si lointain, c'est inéluctable." Dans son allocution du 17 avril, en marge de la grogne sociale provoquée par la réforme des retraites, le président Emmanuel Macron avait annoncé "100 jours d'apaisement et d'action". De l'action, il y en a eu. En revanche, de l'apaisement, il n'en est toujours pas question.