Allemagne: l'extrême droite au plus haut, portée par son rejet de l'écologie
Après les réfugiés et l'islam, l'extrême droite allemande a enfourché un nouveau cheval de bataille, le rejet de la politique climatique du gouvernement, qui lui permet d'atteindre en popularité un de ses plus hauts niveaux de l'après-guerre.
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- Publié le 03-06-2023 à 08h19
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Si les élections se déroulaient ce week-end en Allemagne, le parti Alternative pour l'Allemagne (AfD) serait selon les derniers sondages au coude à coude avec les sociaux-démocrates du chancelier Olaf Scholz, à environ 18%, derrière la CDU-CSU (29%) mais nettement devant des Verts en perte de vitesse (14%).
Dix ans après sa création, l'AfD atteint ainsi un niveau qu'il n'a connu qu'à une reprise, à l'été 2018.
Dans les Länder de l'ex-RDA communiste, le mouvement dépasse même la barre des 20% et pourrait arriver en tête l'an prochain lors de scrutins locaux. Aux élections de 2021, l'AfD avait tout juste dépassé 10%.
Comment expliquer la percée de ce parti, miné par des luttes d'influence entre dirigeants, surveillé de près par les services de renseignement et qui ne brille pas par ses contre-propositions?
"Désastre"
L'AfD profite en premier lieu de l'impopularité de la coalition au pouvoir, dont l'action, dans un contexte d'inflation, de récession et d'inquiétude liée à la guerre en Ukraine, n'est salué que par un Allemand sur cinq, selon une enquête publiée jeudi par la chaîne ARD.
S'ils caracolent en tête des sondages, les conservateurs des Unions chrétiennes CDU-CSU, dans l'opposition depuis le départ d'Angela Merkel, peinent elles aussi à incarner une alternative.
"L'Union devrait faire son autocritique et se demander pourquoi nous ne profitons pratiquement pas d'un si grand mécontentement à l'égard du gouvernement", assène ainsi Norbert Röttgen, une des figures de la CDU, qualifiant de "désastre" le sondage mettant l'AfD à 18%.
Si deux électeurs sur trois de l'AfD placent toujours l'immigration au premier rang de leurs préoccupations, le parti d'extrême droite semble tirer profit de son opposition de plus en plus frontale aux mesures pro-climat.
"Nous ne voulons pas de politique de protection du climat car le climat a toujours changé au fil du temps", assène Beatrix von Storch, vice-présidente du parti.
La volonté des Verts de prohiber dès l'an prochain les chauffages aux énergies fossiles, contrecarrée au sein même de la coalition par les libéraux, a servi de carburant à l'AfD.
Le co-président de l'AfD, Tino Chrupalla, concentre désormais ses coups contre le parti écologiste, "le seul" avec lequel il ne formerait à aucun prix une coalition.
"Les citoyens peuvent voir où mène la politique des Verts, à savoir la guerre économique, l'inflation et la désindustrialisation", dénonce-t-il auprès des journaux du groupe Funke.
"Stasi de l'énergie"
L'AfD a ainsi trouvé dans le vice-chancelier et ministre écologiste de l'Economie, Robert Habeck, un bouc-émissaire à tous les maux.
Ce candidat potentiel à la chancellerie en 2025 fait aussi figure d'épouvantail dans le quotidien populaire Bild, le plus lu d'Allemagne, et dans les rangs de la CDU pour les supposées restrictions qu'il voudrait imposer à l'usage de la voiture et au chauffage individuel.
Il incarne même, selon Mario Voigt, chef de la CDU en Thuringe, une "Etat fouineur" contrôlé par une "Stasi de l'énergie", en référence à la redoutable police politique est-allemande.
Dans ce contexte, l'AfD s'est "saisie du sujet des mesures de protection du climat" et parvient à "mobiliser et à créer une ambiance" de rejet de cette politique, indique à l'AFP la politologue Ursula Münch.
Elle pointe entre autres exemples une étude de 2022 de chercheurs de l'université de Dresde montrant une corrélation entre des projets d'implantation d'éoliennes et le vote AfD, en particulier en ex-RDA.
La fermeture programmée des centrales à charbon allemandes en 2030 est un autre sujet dont s'est emparée l'AfD: ses députés ont demandé qu'on y renonce.
Et seuls 18% de ses électeurs jugent que le réchauffement climatique est dû à l'homme, contre 73% des sympathisants Verts, selon l'étude des chercheurs de Dresde.
L'AfD parvient ainsi à surfer sur la "communication" déficiente de la coalition et des craintes liées à la hausse du "coût du chauffage", résume auprès de l'AFP, le politologue Hajo Funk.