À la Haute Cour de justice de Londres, le prince Harry a peiné face aux tabloïds
Le fils du roi Charles III a commencé à témoigner mardi dans le cadre du procès intenté à des tabloïds pour avoir piraté son téléphone portable. Un exercice bien plus difficile pour le jeune prince que ses sorties sans contradicteur.
- Publié le 06-06-2023 à 18h55
- Mis à jour le 06-06-2023 à 19h00
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Les témoignages à la Haute Cour de justice de Londres ne ressemblent en rien au tournage d’un documentaire Netflix, à des échanges avec le rédacteur de son autobiographie ou à l’entretien télévisé complaisant accordé en mars 2021 par la journaliste américaine Oprah Winfrey. Mardi, le prince Harry a publiquement fait face à des contradicteurs. Et, pour la première apparition en cent trente-deux ans d’un membre de la famille royale britannique en tant que témoin à une cour de justice, le cadet du roi Charles III a peiné.
Face à lui Andrew Green, l’avocat du Mirror Group Newspapers, dont il accuse les journalistes et la direction d’avoir récupéré des informations “grâce à l’interception de messages vocaux et/ou à la collecte illégale d’informations”. Ce juriste, réputé pour sa ténacité, a décortiqué au cours de cette journée vingt des trente-trois articles pointés du doigt par le duc de Sussex et son équipe juridique. Avec un objectif : réduire à néant ses accusations en prouvant que les informations présentées comme personnelles et secrètes étaient déjà publiques avant l’impression des articles incriminés afin de créer le doute dans l’esprit du juge. “Vous accusez le journaliste de cet article d’être impliqué dans des activités criminelles”, a avancé avant la pause déjeuner l’avocat, perruque blanche sur la tête. ” Cela ne vous semble-t-il pas un peu injuste sachant qu’il est absolument clair que l’information provient d’un autre article, et a en effet été obtenue avec la coopération du palais ?” Mal préparé puisqu’il a admis sans la moindre gêne n’avoir que survolé les éléments fournis par la défense du Mirror Group, Harry lui a répondu d’un air faussement négligé : “Je ne suis pas celui qui a écrit l’article, il faudrait le demander au journaliste, my Lord !”
L’enjeu de son témoignage est important. Harry a porté plainte en septembre 2019 contre la direction de trois groupes de médias, le Mirror Group Newspapers, News Group Newspapers (The Sun et News of The World) et DMG Media (The Daily Mail). Il les accuse d’avoir intercepté de manière illégale des messages vocaux enregistrés sur son téléphone entre 1996 et 2010. Cette technique a été dévoilée en 2011. Sa révélation a provoqué la fermeture de l’hebdomadaire News Of The World et l’emprisonnement de plusieurs journalistes. Mais tous les groupes incriminés ont nié que le prince Harry ait été l’une de leurs victimes. Ils assurent également que ces agissements illégaux n’étaient pas connus de la direction des journaux, et n’ont existé qu’en raison de pratiques secrètes de quelques journalistes. S’ils sont déclarés coupables à la fin de cette série de procès, les journaux devront sans doute dédommager leurs victimes de manière plus substantielle.
Une rupture de plus pour Harry
Ce procès est une grande première. “Jamais un membre de la famille royale n’a attaqué en justice des journaux”, explique l’historien Ed Owens, spécialisé dans la famille royale et les médias. “Il s’agit d’une rupture avec le passé de la part de la monarchie, qui a toujours préféré ne jamais se plaindre des médias et ne jamais s’expliquer dans l’espoir que les histoires disparaissent. D’autant plus que grâce au système du Royal Rota, qui accorde la primeur d’informations à un groupe de médias spécifiques, la monarchie contrôle une partie des histoires qui seront publiées. Mais Harry rompt avec ce modèle car il s’est donné pour mission personnelle de s’attaquer à la presse à sensation. Alors que son père le roi Charles et son frère William ont plutôt tendance à apaiser les journalistes.”
Ce procès devrait aussi accroître les difficultés entre le prince Harry et sa famille. Dans son livre et le documentaire diffusé sur Netflix, il accuse en effet la reine Camilla et William de l’avoir plusieurs fois “sacrifié” par médias interposés pour protéger leur image. Mardi, il a aussi évoqué d’autres effets de l’attention disproportionnée des médias. “Je ne marche pas dans la rue, pour des raisons de sécurité, je me déplace toujours en voiture pour ne pas être reconnu”, a-t-il raconté. Plus encore, la publication d’informations personnelles et secrètes l’avait rendu méfiant vis-à-vis de ses propres amis et de sa propre famille. “Malheureusement, en raison de ma paranoïa, de nombreux amis de l’époque ne sont plus mes amis”, a-t-il avoué. Une paranoïa qui ne l’a jamais quitté : il a assuré avoir” expérimenté l’hostilité de la presse depuis que je suis né”. Son témoignage prendra fin ce mercredi.