"Nous ne deviendrons pas le centre d’accueil des migrants de l'UE !" : l’accord sur la migration, une victoire à la Pyrrhus du gouvernement Meloni
Jeudi soir, les États membres ont trouvé un compromis pour doter l’Union européenne d’une politique migratoire commune. L’Italie, qui est en première ligne des flux migratoires, s’est joint à cet accord à la dernière minute. Désormais, à Rome, l’enjeu est de convaincre les Italiens que c’est un succès.
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- Publié le 09-06-2023 à 19h07
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”Nous avons préféré refuser l’argent parce que nous avons la dignité d’un grand pays fondateur (de l’Union européenne). Nous n’avons pas besoin de compensations monétaires. Et nous ne deviendrons pas le centre d’accueil des migrants de l’UE !”, a assuré Matteo Piantedosi, le ministre Italien de l’intérieur, après l’accord trouvé jeudi soir par les Vingt-sept, sur une politique d’asile européenne. S’il s’est dit satisfait du compromis, c’est parce qu’il reprend les points fondamentaux avancés par l’Italie en cours de négociation. “La définition des pays tiers avec lesquels nous pourrons définir des accords de renvois des migrants est substantiellement basée sur la ligne de notre gouvernement, et nous avons fait converger les pays qui bloquaient sur ce point !”
Le gouvernement de la Première ministre d’extrême droite Giorgia Meloni s’efforce désormais de convaincre les Italiens que cet accord est une victoire. Il met ainsi en avant des nouvelles mesures, qui permettraient d’expulser plus rapidement des migrants n’ayant pas droit à l’asile vers les pays par lesquels ils sont passés. Les difficultés restent cependant objectives. Il sera en effet compliqué pour l’Italie, non seulement de prouver que ces personnes ont bel et bien des liens avec les pays de transit considérés comme “sûrs” – on cite l’Algérie ou la Tunisie par exemple. De plus, il faudra signer des accords avec ces pays pour qu’ils acceptent les renvois. Dans le cas de la Tunisie cela pourrait s’avérer compliqué, alors que plus de la moitié des 53 000 migrants débarqués en Italie depuis le début de l’année sont partis des plages tunisiennes.
Une victoire qui sonne faux
Voilà pourquoi certains journaux dans la péninsule parlent d’une victoire à la Pyrrhus, soulignant que l’accord obligera l’Italie et les pays de première arrivée à assumer plus de responsabilités. Les centres de procédures aux frontières risquent de se transformer en centres de détention pour migrants. Les demandeurs d’asile resteront désormais pendant deux ans sous la responsabilité du pays de première arrivée, dont l’Italie, qui serait donc obligée de les récupérer sur son territoire, au cas où ils s’aventurent dans d’autres États membres de l’UE.
Surtout, le système de solidarité européen s’est transformé en marchandage financier. Soit 20 000 euros par migrant qu’un État membre refusera de relocaliser pour venir en aide aux pays sous pression. “Nous avons préféré un mécanisme, qui reste un système de compensation de la part des pays qui refusent la redistribution des migrants, mais dans lequel l’argent va constituer un fond géré par la Commission européenne pour financer des projets externes aux frontières de l’UE. Sur ce point le gouvernement de Giorgia Meloni a fait pression à tous les niveaux depuis son arrivée au pouvoir”, justifie le ministre Piantedosi.
Par contre, l’Italie continuera à prendre en charge les opérations de sauvetage et à accueillir des milliers de migrants qui arrivent chaque année sur ses côtes.
Un accord bien loin des promesses politiques
Le texte de l’accord ne contient aucune des promesses faites par Giorgia Meloni en campagne électorale. Ni le blocage des ports pour y interdire le débarquement des migrants rescapés en mer ; ni les centres de “tri” des migrants (selon leur droit à l’asile) dans les pays Nord Africains, ni la redistribution obligatoire de demandeurs d’asile dans les pays de l’Union européenne.
Avec cet accord, Giorgia Meloni a remis sur rails ses relations avec la France et avec l’Allemagne. Elle ne pourra plus taper du poing et dire que l’Italie est abandonnée par l’Europe après avoir qualifié l’accord sur la migration de “pas en avant”.