Depuis Bruxelles, Carles Puigdemont réaffirme son rôle incontournable pour la formation du gouvernement espagnol
Mardi, il a conditionné son soutien à quatre exigences.
- Publié le 05-09-2023 à 22h27
- Mis à jour le 05-09-2023 à 21h10
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Quiconque prétend gouverner l’Espagne doit obtenir son assentiment. Voilà le message lancé par Carles Puigdemont, mardi matin, en énonçant, depuis Bruxelles, les exigences de sa formation politique, Junts per Catalunya (JxCat), pour permettre la formation d’un gouvernement à Madrid. L’équilibre des forces politiques issu des élections générales du 23 juillet dernier fait que ni la droite ni la gauche ne peuvent obtenir l’investiture sans le soutien de ce parti indépendantiste catalan. Carles Puigdemont pose quatre conditions comme préalable à toute négociation, dont une loi d’amnistie pour les justiciables poursuivis ou condamnés dans le cadre du mouvement séparatiste.
Nécessaire pour s’assurer l’investiture, la majorité absolue à la Chambre basse du Parlement est de 176 voix. Or, le Parti populaire (PP - droite) est arrivé en tête avec une victoire étriquée lors du dernier scrutin. Son président, Alberto Nunez Feijoo, ne peut compter que sur 172 députés en tout. À gauche, le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) est arrivé en deuxième position. Mais son candidat, l’actuel Premier ministre Pedro Sanchez, peut compter sur 171 soutiens. À gauche comme à droite, la seule façon d’obtenir l’investiture est de gagner le vote des sept députés de Jxcat.
Fondateur de Junts per Catalunya, Carles Puigdemont est l’ancien président du gouvernement régional de Catalogne. Il avait déclaré l’indépendance de sa région de façon unilatérale, en octobre 2017, avant de la suspendre quelques minutes plus tard. Depuis, il vit à Waterloo pour échapper à la justice espagnole, qui souhaite le juger pour son rôle dans cette tentative de sécession.
Le retour aux urnes ou les concessions
"L'Espagne se trouve face à un dilemme : retourner aux urnes [car personne n'obtient l'investiture], ou nouer un accord avec un parti qui réaffirme la légitimité du référendum [du 1er octobre 2017, déclaré inconstitutionnel par la justice, NdlR] et qui ne renoncera pas à la possibilité d'une indépendance unilatérale", a estimé M. Puigdemont, mardi, avant de poser ses exigences.
Outre une loi d'amnistie, il demande "la reconnaissance et le respect de la légitimité démocratique de l'indépendantisme", "la création d'un mécanisme de suivi et de respect des accords", ainsi que la reconnaissance du catalan comme langue officielle de l'Union européenne, que l'Espagne peut imposer à l'agenda européen. Mais concrétiser cela nécessiterait l'aval des vingt-sept États membres.
"Ce sont des conditions préalables, qui doivent être remplies" avant que le délai durant lequel l'investiture est possible n'expire, faute de quoi de nouvelles élections sont automatiquement convoquées, a précisé le fondateur de JxCat. À savoir, fin novembre. Dans un deuxième temps, le leader indépendantiste demande la tenue d'un référendum d'autodétermination pour la Catalogne.
"Ce que demande Puigdemont est inacceptable. Je ne peux ni ne veux payer ce prix pour devenir Premier ministre", a réagi M. Feijoo. Cela réduit d'autant plus ses chances d'obtenir l'investiture. Le 22 août dernier, il a été chargé de former un gouvernement par le Roi. Mais nombre d'observateurs considèrent qu'il sera très difficile pour le candidat de la droite de passer cette épreuve avec succès le 27 septembre.
Des négociations ?
Paradoxalement, Pedro Sanchez semble avoir plus de marge de manœuvre. Lors de l’élection de la présidence du Congrès des députés, le 17 août, la candidate présentée par les socialistes, Francina Armengol, a été élue avec une majorité absolue incluant les voix de Jxcat.
Lundi, Yolanda Diaz, deuxième vice-présidente du gouvernement et fondatrice du nouveau parti de gauche Sumar, s'est rendue à Bruxelles pour une réunion qui a duré trois heures avec Carles Puigdemont. Le gouvernement comme la formation indépendantiste refusent de parler de négociation. "Mais à partir du moment où il y a une conversation sur la question, ce sont des négociations", estime Jaime Ferri Dura, professeur de sciences politiques à l'université Complutense de Madrid. Pour lui, le PSOE était déjà disposé à accéder aux demandes de JxCat. Rien de nouveau dans le fond : "Puigdemont rend le succès de négociations très difficile, mais pas impossible. Il s'agit surtout de rappeler qui est en position de force, en laissant planer la menace de nouvelles élections. Mais il est également conscient qu'il n'aura jamais une si bonne opportunité qu'aujourd'hui pour que son vote soit la clé de l'investiture."