Surendettée, Birmingham, la deuxième ville la plus peuplée du Royaume-Uni, se déclare en faillite virtuelle
Les dirigeants municipaux mettent en cause l’amoindrissement depuis 2010 du budget reversé par le gouvernement central. Une situation extrême partagée par d’autres autorités locales britanniques.
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- Publié le 07-09-2023 à 21h05
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La deuxième ville la plus peuplée du Royaume-Uni s’est déclarée en faillite virtuelle ce mardi 5 septembre. Constatant que le trou budgétaire était de 87 millions de livres sterling (101 millions d’euros) dans son budget annuel, les responsables politiques de Birmingham ont enclenché l’article 114 de la loi sur les finances du gouvernement local de 1988 pour officialiser leurs difficultés financières. Si l’on ne peut pas parler de faillite à proprement parler, cet “avis signifie que toutes les nouvelles dépenses, à l’exception de la protection des personnes vulnérables et des services statutaires, doivent cesser immédiatement”, explique le communiqué de la Ville de 1,1 million d'habitants.
Chef du groupe travailliste, majoritaire au conseil municipal, John Cotton a assuré “que [la Ville continuera] à fournir une série de services essentiels […] tels que l’aide sociale aux enfants et aux adultes, la protection de l’enfance, la collecte des déchets, les services de planification et de logement, l’entretien des routes, les services de bibliothèque”. Il a en revanche admis que les moyens déployés dans ces services pourraient diminuer, comme le rythme du ramassage des poubelles. La municipalité a d’ores et déjà lancé un plan de départ ouvert à ses 10 600 employés. Elle devra également vendre des actifs pour résoudre le problème sur le long terme.
Coûteuse condamnation en justice
La principale raison de ces difficultés vient en effet d’une condamnation en justice suite à la plainte intentée par 174 salariées. Pendant des décennies, jusqu’au milieu des années 2000, les employés travaillant dans des secteurs quasiment exclusivement masculins (éboueurs, nettoyeurs de rue, fossoyeurs, etc.) reçurent d’énormes bonus annuels, dont ne bénéficièrent pas de nombreux autres emplois, largement féminins. Les hommes de niveau 2 étaient ainsi payés 30 599 livres (35 600 euros) par an contre 11 127 livres (13 000 euros) pour les femmes de même niveau. En 2012, la municipalité a été condamnée à compenser les plaintives à hauteur de 757 millions livres (882 millions d’euros). Les procès suivants ont fait exploser sa facture : en plus du 1,1 milliard livres (1,28 milliard d’euros) déjà versé, la municipalité estime encore devoir entre 650 livres et 750 millions livres (757 et 874 millions d’euros).
D’autres facteurs conjoncturels ont réduit la capacité de remboursement de la ville, et rendu cette dette insoutenable. Récemment, l’inflation, supérieure à 9 % entre avril 2022 et mars 2023, a poussé les salaires à la hausse : en juin 2023, les employés de la fonction publique gagnaient en moyenne 16,5 % de plus qu’un an plus tôt. Les besoins en aides sociales ont beaucoup augmenté depuis la pandémie dans l’ensemble du pays. Surtout, les élus travaillistes de Birmingham pointent du doigt les conséquences directes des mesures d’austérité budgétaire mise en place en 2010 par le gouvernement conservateur de David Cameron : au cours des dix dernières années, la ville a reçu 1 milliard de livres (1,16 milliard d‘euros) de moins du gouvernement central.
Les budgets des entités locales ont fondu depuis 2010
Cet argument prend de l’importance au regard des difficultés financières actuelles de nombreuses autorités locales. Alors que l’article 114 n’avait été utilisé pour la dernière fois qu’en 2000, cinq entités l’ont enclenché au cours des cinq dernières années : le comté de Northamptonshire en 2018, suivi depuis 2021 par les municipalités de Slough, Croydon, Thurrock et Woking, dirigées aussi bien par des travaillistes que des conservateurs. “Les problèmes rencontrés par les différentes collectivités locales au cours des deux dernières années sont tous liés à des facteurs particuliers, mais aussi à un problème sous-jacent : elles ont subi des coupes plus importantes que tout autre secteur public depuis 2010”, indique le député travailliste Clive Betts, également président d’un comité parlementaire.
Entre 2010 et 2020, les budgets des autorités locales ont diminué de 17,5 % selon le centre de réflexion Institute for Government. Même s’ils se sont améliorés au cours des dernières années, ils demeuraient en 2022 inférieurs de 10,2 % à leur niveau de 2010. Si bien que d’après une enquête du quotidien The Guardian, “au moins 26 autres municipalités risquent la faillite au cours des deux prochaines années”.