Les Restos du Cœur lancent un cri d’alarme: "Si un jour on n’est plus là, ce sera la catastrophe"
L’association créée par Coluche en 1985 se trouve dans une situation critique. Jamais, depuis sa création, elle n’avait aidé autant de monde et prévoit de servir 170 millions de repas cette année, soit 30 millions de plus que l’an dernier. Dimanche 3 septembre, le président des Restos du cœur, Patrice Douret, a adressé un appel à l’aide aux “forces politiques et aux forces économiques” lors du 13 heures de TF1.
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- Publié le 08-09-2023 à 19h41
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”C’est difficile…” Éric Le Goff, co-responsable d’un centre de distribution alimentaire des Restos du Cœur à Montpellier (Hérault), nous accueille avec ces mots. “Depuis un an et demi, on voit arriver ici de plus en plus de gens, notamment des femmes avec des enfants et des migrants. Certains ne se nourrissent que grâce à nous. Si un jour on n’est plus là, ce sera la catastrophe.” En ce jeudi 7 septembre après-midi, le petit local est saturé de bénéficiaires venus remplir leur cabas gratuitement de riz, haricots verts, poissons panés surgelés et tomates fraîches, à l’image de cette jeune maman, venue avec sa fille. “Ça me fait mal de pousser la porte des Restos mais je n’ai pas le choix”, confie-t-elle. Chaque semaine, ils sont un millier environ à venir chercher ici de la nourriture, mais aussi des vêtements au vestiaire, ainsi que des couches et des jouets aux Bébés du cœur.
”On les sert en continu, à la chaîne. On manque de temps pour parler de leurs soucis, au-delà du simple bonjour”, regrette Gisèle, co-responsable du centre. “Mais on fait en sorte que la distribution soit un moment agréable. On plaisante, je dis aux femmes qu’elles sont élégantes, surtout devant leurs enfants car démarrer dans la vie à six ans aux Restos, ce n’est pas facile”, renchérit Francine, une bénévole. “Imaginer qu’on disparaisse, qu’on ne puisse plus les aider et leur donner le minimum à manger, cela m’angoisse”, poursuit-elle.
Éconduire des gens qui ont faim, “un crève-cœur”
L’association créée par Coluche en 1985 se trouve de fait dans une situation critique. Dimanche 3 septembre, le président des Restos du cœur, Patrice Douret, a adressé un appel à l’aide aux “forces politiques et aux forces économiques” lors du 13 heures de TF1. Jamais, depuis leur création, les Restos du cœur n’avaient aidé autant de monde : ils prévoient de servir 170 millions de repas cette année, soit 30 millions de plus que l’an dernier et vingt fois plus qu’à leur création il y a quarante ans. Et jamais l’association n’avait autant dépensé, du fait de ces besoins accrus et de l’inflation. Si elle reçoit beaucoup de dons des industriels et de l’Union européenne, elle doit acheter plus du tiers de la nourriture qu’elle distribue et faire face aux surcoûts d’électricité et de transports…
”À ce rythme-là, si on ne fait rien, même les Restos du cœur pourraient mettre la clé sous la porte d’ici trois ans”, a prévenu Patrice Douret, annonçant devoir dès cet automne réduire fortement le nombre de personnes accueillies et les quantités de nourriture distribuée. En France, quelque 150 000 personnes seraient ainsi privées de l’aide alimentaire des Restos. “Dans l’Hérault, plus de 2 000 bénéficiaires vont être éconduits cet hiver. C’est un crève-cœur”, nous confie Alain Capillon, président de l’antenne départementale de l’association. “Qu’est-ce qu’on va leur dire à tous ces gens en difficulté ?”, s’inquiète Gisèle.
Dans la foulée de l’appel au secours des Restos, la Croix-Rouge, la Fondation abbé Pierre et le Secours populaire ont eux aussi sonné l’alarme. Ils ont été entendus : le gouvernement va débloquer 156 millions d’euros pour soutenir l’aide alimentaire, soit plus qu’un doublement en trois ans, dont 15 millions pour les Restos du Cœur. Et des entreprises comme Crédit Mutuel, TotalEnergies, le marché de Rungis, Carrefour, Danone ont promis des contributions, tout comme Bernard Arnault (10 millions d’euros), l’équipe de France de football et des milliers d’anonymes.
”Une situation plus préoccupante que jamais”
Les difficultés rencontrées par les associations témoignent d’une forte hausse de la précarité en France. Selon la dernière édition du baromètre du Secours Populaire parue le 7 septembre, les privations atteignent des niveaux record. Un tiers des personnes que l’organisation a interrogées ne mangent pas toujours trois repas par jour, et 36 % d’entre elles se privent pour nourrir leurs enfants. “La situation est plus préoccupante que jamais du fait de l’intensité de la pauvreté et l’ampleur de la population touchée.”
La crise alimentaire dure depuis des mois. Mais il aura fallu que le président des Restos du cœur monte au créneau pour que les consciences s’éveillent. “Le problème, c’est qu’on nous fait jouer le rôle que l’État devrait assurer”, estime Francine, dans le local de Montpellier. “Il y a trop de gens qui viennent ici. Là-haut, ça doit bouger”, renchérit Gisèle.