L’invitation de l’Élysée renforce la stature de Keir Starmer comme possible futur Premier ministre britannique
Le président français Emmanuel Macron reçoit ce mardi le chef du Labour, première formation de l’opposition britannique. Ce signe fort marque l’inéluctable changement de statut d’un homme jusqu’alors perçu comme frileux.
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- Publié le 18-09-2023 à 19h46
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Ce n’est rien moins qu’un adoubement politique. Ce mardi, la veille de l’arrivée du roi Charles III à Paris, le président français Emmanuel Macron accueillera le chef du parti travailliste britannique, Keir Starmer. Si un collaborateur du locataire de l’Elysée a assuré au site d’information Politico qu’“il est logique pour le président de rencontrer les différents acteurs des pays européens”, cette invitation est exceptionnelle. Et elle s’avère être un coup de maître de Keir Starmer. Les chefs des partis d’opposition sont en effet normalement reçus par des personnalités de même sensibilité politique, même s’ils rencontrent parfois le chef de l’exécutif, loin des caméras. Un an avant son élection, le conservateur David Cameron s’était ainsi entretenu en 2009 avec le président des États-Unis, Barack Obama, dans l’ambassade américaine à Londres. Le travailliste Tony Blair avait de son côté discrètement noué des relations avec le président américain Bill Clinton avant son élection en 1997.
Le message lancé par Emmanuel Macron est clair : la transition politique britannique est en marche. D’autant que Keir Starmer se déplacera avec sa cheffe de cabinet et deux membres centraux de son cabinet fantôme : la députée travailliste chargée de suivre les Finances, Rachel Reeves et le responsable des Affaires étrangères David Lammy. Une sacrée rebuffade pour le Premier ministre conservateur Rishi Sunak, qui semblait entretenir une excellente relation avec le président français, notamment depuis la tenue en mars à Paris du premier sommet franco-britannique depuis cinq ans.
Pourtant, qui peut être surpris par le calcul du président français ? Le Labour dispose de vingt points d’avance en moyenne sur les conservateurs dans les sondages depuis le mois de juin. Son retour au pouvoir lors de l’élection générale prévue l’an prochain – à une date à déterminer – paraît inéluctable.
La prudence, élément clé de sa stratégie
Avocat de profession, élu à la Chambre des communes en 2015 dans une circonscription du nord de Londres, Keir Starmer s’est fait connaître du public après avoir été chargé de superviser la politique du gouvernement sur le Brexit. Devenu la figure de proue des opposants au Brexit, il avait été élu aisément à la tête de son parti en avril 2020 suite à la démission de Jeremy Corbyn. Il avait pourtant toujours tenu à garder une position floue, voire conservatrice, sur les grands sujets d’actualité. Lors de la grande vague de grèves entamées il y a un an, Keir Starmer a interdit aux membres de son cabinet de soutenir les grévistes. Fin août, le parti a rejeté la possibilité d’augmenter les impôts des plus riches. À tel point qu’Anand Menon, professeur de sciences politiques à l’université King’s College London, nous disait il y a quelques semaines que “les travaillistes ont l’air nerveux, ils ont l’air d’avoir peur de leur propre ombre”.
Keir Starmer tient à bout de bras un vase Ming tout en marchant sur un anneau de glace
“Keir Starmer tient à bout de bras un vase Ming tout en marchant sur un anneau de glace”, nous explique en souriant Jess Philips, député travailliste et membre de son équipe. Le Labour demeure en effet traumatisé par l’issue de l’élection générale de 1992, lors de laquelle le travailliste Neil Kinnock, grand favori, s’était fait battre par John Major, le successeur conservateur de Margaret Thatcher. Keir Starmer tient donc à ne pas s’aliéner les indécis. “Il est prudent dans ses annonces politiques, et je pense que cela fait partie de sa stratégie, poursuit la députée. Pourquoi dévoiler certaines mesures aussi tôt, avec le risque qu’elles soient reprises par d’autres partis ? Certains n’adopteraient peut-être pas cette stratégie, mais les résultats sont clairs : il est largement en tête dans les sondages. ”
Le remaniement opéré début septembre dans son équipe de direction pourrait être le signe d’une confiance nouvelle. La semaine dernière, il a dévoilé sa politique migratoire, un thème forcément polémique. Ce lundi, dans un entretien accordé au Financial Times, il s’est attaqué au sujet le plus tabou de la politique britannique : le Brexit. Après avoir prévenu qu’“ il n’est pas question de revenir dans l’UE”, il a assuré vouloir renégocier en 2025 l’accord de Brexit afin “d’obtenir un bien meilleur accord pour le Royaume-Uni”. Keir Starmer et le Labour ne semblent plus craindre d’afficher leurs ambitions.