Où Le Pen et Macron sont-ils allés chercher les voix indispensables pour la victoire finale ?
Depuis le 10 avril, Emmanuel Macron et Marine Le Pen sont à nouveau sur les routes de France à la rencontre des électeurs, empruntant des voies aussi divergentes que leurs stratégies politiques.
- Publié le 22-04-2022 à 16h27
- Mis à jour le 24-04-2022 à 16h20
Douze jours pour convaincre les Français. C’est le défi que les deux finalistes à la présidence de la République française doivent relever s’ils veulent accéder à la fonction suprême, ce dimanche 24 avril. Dès le lendemain du premier tour, Emmanuel Macron (LREM) et Marine Le Pen (RN) ont donc chaussé leurs “bottes de sept lieues” pour rencontrer les électeurs, acquis ou convoités.
Avec respectivement 27,85% et 23,15% des voix au premier tour, le président sortant et la candidate d'extrême droite doivent impérativement rallier de nouveaux soutiens s'ils espèrent dépasser les 50% au second tour. Où sont-ils allés mener cette ultime conquête sur le terrain ? Pour répondre à cette question, la Source a relevé et décrypté les déplacements des deux finalistes lors de cet entre-deux tour, faisant suite à son analyse des déplacements des six principaux candidats à l'élection présidentielle.

L'électorat mélenchoniste : seul terrain d’entente
Arrivé en troisième position avec 21,95% des voix, Jean-Luc Mélenchon (LFI) est en inévitablement devenu “le meilleur ennemi” d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen, qui ont, tous les deux, “cherché les voix de Mélenchon, principales réserves de voix au second tour” note Pierre-Emmanuel Guigo, maître de conférences en histoire à l'Université Paris Est Créteil.
Plus de la moitié des déplacements effectués par les deux candidats a, en effet, eu lieu dans des territoires qui ont placé Jean-Luc Mélenchon en tête au premier tour. Parmi ceux-ci, des communes de la banlieue parisienne, comme Gennevilliers (Hauts-de-Seine) pour Marine Le Pen ou Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) pour Emmanuel Macron. Tous deux ont en outre, et à l'unisson, voulu mettre la main sur les électeurs de La France Insoumise dans le fief de leur leader : Marseille, où Jean-Luc Mélenchon avait obtenu plus de 31% des votes le 10 avril dernier.
Marine Le Pen dans un cocon
Malgré un vote massif en faveur des Insoumis, la cité phocéenne reste située dans une zone historiquement à droite, voire à l’extrême droite. “C’est en effet dans les communes limitrophes de Marseille, ainsi que celles de la côte d'azur, que le Front National (ex-RN) avait remporté ses premières élections” indique Pierre-Emmanuel Guigo.
Arrivée en tête au premier tour dans les Bouches-du-Rhône, Marine Le Pen en est bien consciente. Elle s’est non seulement rendue dans ce département pour séduire les mélenchonistes, mais également pour renforcer son propre électorat.
Même chose dans le reste du pays, où la candidate frontiste a privilégié les déplacements en terrain conquis tout au long de cet entre-deux tour, que ce soit en Normandie (Saint-Pierre-en-Auge) ou dans l’Yonne (Soucy, Thorigny). Avec une autre ligne de conduite: visiter des villes peu peuplées. “Dans les communes de moins de 1000 habitants, Marine Le Pen a obtenu plus de 30% des voix, entre 12 et 13% dans les grands villes et 5,5% à Paris” souligne Hervé Le Bras, chercheur à l’Institut national d’études démographiques (INED), qui poursuite : “plus il y a d'habitants, moins on vote pour le RN”.
Pourquoi Marine Le Pen est-elle allée voir des électeurs déjà convaincus ? “Parce que son principal adversaire c'est d’abord l'abstention” répond Pierre-Emmanuel Guigo. “Son électorat, jeune, populaire et rural, correspond au profil-type de l'abstentionniste français, c’est donc lui qu’elle veut aller chercher” précise le chercheur.
Au-delà des voix à gagner, elle a, enfin, et scrupuleusement, veillé à soigner son image de marque. “Elle est allée dans des régions où elle était sûre d’éviter les manifestations hostiles. Étant donné qu’elle cherche à dé-diaboliser et pacifier son positionnement, il ne fallait pas qu'elle apparaisse dans un contexte guerrier, mais plutôt un cocon” explique Hervé Le Bras, chercheur à l’Institut national d’études démographiques (INED).

Emmanuel Macron, à l’offensive
Contrairement à sa rivale, Emmanuel Macron “s’est rendu dans des territoires où il n'est pas forcément le bienvenu” souligne Pierre-Emmanuel Guigo. En effet, “l'électorat macroniste est plutôt urbain, aisé et âgé, c’est celui qui se rend le plus aux urnes. Il ne sera donc pas directement touché par l'abstention” ajoute le professeur.
Le candidat LREM est donc allé à la fois sur des terres mélenchonistes (Mulhouse, Avignon ou Strasbourg) mais aussi frontistes (Denain ou Carvin dans le Nord). Comme lors de l’entre-deux tour d’il y a cinq ans, le président sortant s’est également offert une “étape historique” : après Oradour sur Glane en 2017, c’est sur le chantier de la cathédrale Notre-Dame de Paris qu’il s’est arrêté cette année. “Une façon d’affirmer sa posture présidentielle, d’être celui qui incarne les traditions de la République” remarque Pierre-Emmanuel Guigo.
La stratégie offensive du président-candidat sur le terrain explique, entre autres éléments, sa bonne performance lors du débat télévisé organisé mercredi dernier face à Marine Le Pen, estime Hervé Le Bras. Selon lui, "les déplacements audacieux d'Emmanuel Macron ont été pour lui des vrais entraînements pour roder ses arguments en vue du débat. Sa rivale a quant à elle fait le choix de rester dans sa zone de confort sans se mettre en danger, que ce soit sur le terrain comme lors du débat". Selon un dernier sondage paru le 21 avril, Emmanuel Macron remporterait cette élection présidentielle avec 53% des voix, un écart bien plus serré qu'en 2017 (66%).


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