Pour obtenir un accord sur le 6e paquet de sanctions, l’Union européenne envisage de limiter l’embargo sur le pétrole russe
Le 6e paquet de sanctions européennes contre la Russie n'a toujours pas été adopté, près d'un mois après avoir été proposé par la Commission européenne. Et il ne faut pas s'attendre à ce que la situation se décante à l'occasion du sommet européen consacré à l'Ukraine, qui se tiendra ces lundi et mardi à Bruxelles.
Publié le 30-05-2022 à 07h29 - Mis à jour le 30-05-2022 à 16h05
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Le 6e paquet de sanctions européennes contre la Russie n'a toujours pas été adopté, près d'un mois après avoir été proposé par la Commission européenne. Et il ne faut pas s'attendre à ce que la situation se décante à l'occasion du sommet européen consacré à l'Ukraine qui se tiendra ces lundi et mardi à Bruxelles. Le Premier ministre hongrois Viktor Orban avait donné le ton dès la semaine dernière, dans le courrier qu'il a fait parvenir la semaine dernière au président du Conseil européen Charles Michel.
Outre des sanctions contre de nouvelles personnalités proches du Kremlin, contre plusieurs banques russes, dont la Sberbank, ce 6e paquet prévoit aussi la mise en œuvre progressive d'un embargo sur le pétrole russe, qui serait total d'ici la fin de l'année - avec des délais plus longs pour les pays enclavés.
Très dépendante du pétrole russe (qui représente 65 % de ses importations d'or noir), la Hongrie est actuellement la plus farouche opposante à l'adoption du paquet dans sa forme actuelle, même si d'autres pays veulent encore obtenir des assurances quant à la sécurité d'approvisionnement et d'équité quant à l'impact de la mesure. Les ambassadeurs des Vingt-sept auprès de l'Union se sont quittés, dimanche soir, sans trouver de compromis, qui doit être approuvé à l'unanimité. Ils plancheront à nouveau sur le sujet ce lundi matin, avec l'espoir (ténu) de trouver un accord avant le sommet, qui commencera vers 16 heures. "Ils n'y parviendront peut-être pas, mais il faut essayer", plaide une source européenne.
Dans sa lettre, Viktor Orban ajoutait que ce serait "contre-productif" d'aborder ce sujet au niveau des chefs d'État et de gouvernement des Vingt-sept, s'il n'y a pas de consensus. La même source européenne s'attend cependant à ce que "les leaders soulèvent ce point. Comme c'est très sensible, il pourrait y avoir de longues interventions". Ce n'est de toute façon pas au plus niveau politique qu'une solution pourra être trouvée. Les difficultés à conclure un accord sur l'embargo de pétrole sont de nature technique, répètent en boucle toutes les sources diplomatiques. Trop techniques pour être tranchées au niveau des chefs.
Nouvelle proposition : limiter l'embargo au pétrole acheminé par bateau, dans un premier temps
La Commission européenne et la présidence française du Conseil de l'Union travaillent depuis vendredi sur une proposition alternative à ce qui était initialement sur la table. L'embargo ne porterait plus que sur le pétrole acheminé dans l'Union par voies maritimes, ce qui toucherait "2/3, et même plus, des exportations russes", comptent plusieurs interlocuteurs européens.
Ne serait donc pas ciblé le pétrole acheminé de Russie par l'oléoduc Droujba vers plusieurs pays de l'Union, parmi lesquels la République tchèque, la Slovaquie et la Hongrie, dont c'est la principale source d'approvisionnement. Celles-ci auraient jusqu'à mi-2024 pour se sevrer complètement du pétrole russe. Ce délai doit être mis à profit pour moderniser les raffineries de ces pays et pour diversifier leurs canaux d'approvisionnement, dont l'oléoduc Adria, partant de Croatie. Beaucoup de questions demeurent. "Il n'est pas un Premier ministre qui approuverait quelque chose qu'il constate ne pas être faisable ou qu'il ne pourrait pas justifier. La sécurité énergétique est une question tellement sensible pour chaque pays que nous avons vraiment besoin d'une discussion approfondie", souligne un diplomate d'un État membre
"Nous comprenons leur situation spécifique, et leurs préoccupations par rapport à la sécurité d'approvisionnement", insiste une source diplomatique d'un autre pays de l'Union.
La solidarité, d'accord, mais il ne faudrait pas non plus qu'elle ait pour effet d'affecter le marché intérieur européen et de fausser la concurrence, rappellent plusieurs États membres, parmi lesquels on trouve la Belgique, les Pays-Bas, l'Italie, les pays baltes, la Roumanie… "On peut accepter une perturbation limitée, locale et temporaire du marché intérieur", concède le diplomate. "Mais si vous achetez à bon marché (comme la Hongrie le fait, NdlR) du pétrole brut russe acheminé par le pipeline tandis que d'autres achètent plus cher du pétrole qui arrive par voie maritime et que les deux servent à produire du diesel, nous avons un problème de concurrence".
Un accord dans la semaine ?
Tous les États membres veulent trouver une solution pour mettre en route cet embargo sur le pétrole russe - dont les exportations vers l'Union rapportent 700 millions de dollars quotidiens à Moscou, contribuant à financer la guerre en Ukraine -, assure-t-on dans toutes les langues. Même la Hongrie ? "Je ne le sais vraiment pas. J'espère que nous verrons demain matin où nous en sommes", pose le premier diplomate. Quoi qu'il en soit reste encore beaucoup de travail d'ajustement pour que le 6e paquet de sanctions franchisse la ligne.
La Commission et la présidence française du Conseil gardent espoir de trouver un accord final au niveau des ambassadeurs dans le courant dans la semaine. Prévoyant que cela pourrait prendre encore plus de temps, plusieurs sources européennes jouent la carte de la dédramatisation. "L'embargo sur le pétrole brut est programmé dans six mois et celui de produits pétroliers d'ici la fin de l'année. Nous avons encore du temps", tempère une autre insider européen.