"Il est depuis longtemps établi que la Russie vise les milieux politiques belges"
Une note sur l’ingérence russe a été adressée au fédéral par le Comité R.
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- Publié le 26-12-2022 à 06h44
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Le Comité R, qui contrôle en Belgique les services de renseignement, recommande qu'" une enquête soit entamée sans délai " afin de déterminer si les services de renseignement belges disposent des moyens suffisants pour détecter la menace d'ingérence de puissances étrangères par le financement de partis politiques, institutions politiques ou personnalités politiques en Belgique, peut-on lire dans une note du 23 décembre qu'a pu lire La Libre.
La "note circonstanciée" est la réponse du Comité R à une demande du parlement fédéral, formulée le 1er décembre à propos de l'ingérence russe. Mais elle s'inscrit aussi dans les récentes révélations sur la corruption présumée au Parlement européen liée au chef du Qatar et du Maroc.
Le rapport américain déclassifié
Tout est parti en septembre d'un rapport déclassifié des services de renseignement américains qui estimait alors que la Russie " a secrètement transféré plus de 300 millions de dollars, et planifiait d'en transférer secrètement au moins des centaines de millions de plus à des partis politiques étrangers, des officiels et des politiques dans plus de deux douzaines de pays à travers quatre continents depuis 2014 ".
Selon ce rapport, les financements russes sont généralement opérés par des membres des services de renseignement, mais aussi des oligarques russes, notamment Evgueni Prigojine et Alexander Babakov. Ils visent à affaiblir les démocraties et renforcer les mouvements politiques "alignés" sur la Russie.
La presse internationale, sur base de contacts avec des hauts responsables américains, a révélé que ces financements concernent notamment des partis politiques et candidats en Albanie, au Monténégro, en Bosnie-Herzégovine, à Madagascar ainsi qu’en Équateur. Des députés belges voulaient en savoir plus. Ils ont demandé au Comité R ce qu’il en était de la Belgique. Lequel a interrogé la Sûreté de l’État et le service de renseignement de l’armée, le SGRS.
"Stratégie hybride" de l’ingérence russe
Pour la Sûreté de l'État, "il est depuis longtemps établi que la Russie vise les milieux politiques belges. Mais l'opinion publique et certains médias forment également une cible de la désinformation russe". La stratégie de la Russie est hybride, c'est-à-dire qu'elle utilise plusieurs moyens d'influence. Cela peut être une intervention directe d'un agent russe, mais aussi de l'Église orthodoxe russe, d'ONG russes, d'oligarques et des membres de la Douma " agissant de leur propre initiative afin de se rapprocher du président russe Poutine" . Selon elle, l'ingérence russe a augmenté ces dernières années. Mais " cette tendance probable s'est toutefois inversée depuis l'invasion russe de l'Ukraine : les individus qui, auparavant, ne voyaient aucun problème à entretenir des liens avec la Russie ne souhaitent plus, dans leur grande majorité, être associés à la Russie ".
De 2014 à aujourd'hui, la Sûreté a envoyé 422 messages à des partenaires internationaux concernant l'ingérence russe ; reçu 5 070 messages de partenaires internationaux concernant cette ingérence et envoyé 81 messages à des autorités fédérales et/ou régionales à ce propos. Depuis 2014, la Sûreté a rédigé " 554 rapports d'enquête concernant une ingérence russe ".
Quant au SGRS, il confirme que l'ingérence est un des moyens utilisés par la Russie pour atteindre ses objectifs. " Cela peut aller de convaincre des individus ou des organisations d'agir comme porte-voix des intérêts russes, de coopter des médias russes, de coopter de soi-disant experts indépendants, d'organiser des campagnes de trolling, jusqu'à amplifier les problèmes existants dans la société belge pour démontrer les dysfonctionnements du modèle de société occidental" , note ce service.
Le rôle des "acteurs privés" épinglé
L'une des cibles russes, bien connue depuis des années, sont les partis extrémistes, principalement d'extrême droite. La Sûreté précise toutefois qu'elle " ne dispose pas d'éléments concrets qui démontrent que des partis politiques belges sont financés de manière structurelle par des puissances étrangères ". Néanmoins, le Comité R estime que l'ingérence ne peut pas être réduite à une problématique de simple et seul financement de "politiciens". Des " acteurs privés" peuvent aussi être impliqués.