Guerre en Ukraine: ”Les avions seront livrés à l’Ukraine. La seule question, c’est quand ?”
Le débat sur la livraison d’avions à l’Ukraine s’est animé dès la résolution concernant l’envoi de chars. Pour Xavier Tytelman, expert militaire, des chasseurs occidentaux peuvent fortement contribuer à la reconquête ukrainienne.
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Publié le 30-01-2023 à 21h42
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La livraison d’avions de chasse à l’Ukraine ne serait plus un tabou. À Washington, Varsovie, Paris ou Amsterdam, les positions semblent évoluer rapidement, quelques jours à peine après les annonces retentissantes d’envois de chars d’assaut. Pourtant, si plusieurs pays européens avaient bien dépêché des chasseurs soviétiques depuis leurs stocks, les Occidentaux ont longtemps été opposés à l’idée de céder leurs propres engins.
“C’est la morphologie de la ligne de front qui a changé”, explique Xavier Tytelman, ancien navigateur aérien de la marine française et expert militaire. “Les Russes ont profité de la météo hivernale et de la pause dans les offensives ukrainiennes pour fortifier leurs positions, pour déployer les troupes fraîchement mobilisées dans un réseau de tranchées et de bunkers. Des chasseurs peuvent être plus efficaces que l’artillerie car ils sont en mesure de larguer des charges de plusieurs centaines de kilos, de percer les lignes et de permettre aux chars d’avancer.”
”C’est dangereux de voler”
Selon l’expert, les Ukrainiens sont parvenus à moderniser leurs appareils soviétiques pour porter des missiles occidentaux sol-air ou encore des air-sol américains AGM-88. “Mais si les Occidentaux veulent sérieusement aider l’Ukraine à reconquérir son territoire, autant livrer des avions adaptés : les Ukrainiens perdraient moins de temps à faire du bricolage.” D’autant que les F-16 américains ou les Mirage français apporteraient avec eux “leur écosystème : l’équipement électronique, le largage de bombe à grande distance… Le saut capacitaire serait important pour les Ukrainiens.”
La manœuvre présente des risques, toutefois. Pas tant en termes d’une éventuelle “escalade”, en fait un élément de langage de la propagande du Kremlin, mais au vu de la situation dans les airs. Même les estimations les plus conservatrices indiquent que plusieurs centaines de chasseurs, ukrainiens et russes, ont été abattus au-dessus de l’Ukraine depuis le 24 février. “C’est très dangereux de voler, c’est sûr. Mais chaque jour, des avions et hélicoptères mènent des opérations à très basse altitude. S’ils étaient mieux équipés, ils pourraient faire plus de différence.”
Quant à l’inquiétude des Américains et Européens que leurs armes soient utilisées pour attaquer la Russie, il s’agirait de “définir des limites claires”. L’expert rappelle que les fameux lance-missiles Himars auraient été bridés électroniquement afin de ne pas pouvoir entrer de coordonnées GPS en dehors du territoire ukrainien. “Les pays donateurs n’ont qu’à baliser l’utilisation de leur aide et faire en sorte que les Ukrainiens s’y tiennent.” Xavier Tytelman en veut pour preuve les attaques sur des sites en Crimée, sur le port de Rostov-sur-le-Don ou encore contre des bases aériennes proches de Moscou : “les Ukrainiens ont utilisé leur propre technologie pour mener ces opérations, et non les armements occidentaux”.
Selon Xavier Tytelman, le débat ne serait que médiatique car la question serait quasiment tranchée en haut-lieu : “le paquet d’aide américain décidé en juillet prévoyait déjà la formation de pilotes.” Il est donc possible que certains aviateurs ukrainiens soient entraînés depuis six mois déjà, et opérationnels au printemps. “Les avions seront livrés, comme les chars avant eux. Les Occidentaux ont compris que leur intérêt est dans la victoire de l’Ukraine. La question est de savoir quand. Tout retard dans ces débats politiques équivaut à la prolongation de la guerre et à des pertes lourdes – d’un côté comme de l’autre.”