À Kiev, l’Union européenne se tient, littéralement, aux côtés de l’Ukraine
Seize membres de la Commission européenne, dont sa présidente Ursula von der Leyen, sont arrivés à Kiev jeudi. Un sommet entre l’Union européenne et l’Ukraine se tient également ce vendredi.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/78864890-ba79-405f-8d57-4f32d2b014b6.png)
Publié le 03-02-2023 à 06h46
Jeudi matin, une quinzaine de membres de la Commission européenne, dont sa présidente Ursula von der Leyen, ont posé le pied sur le quai de la gare de Kiev, avant de participer à une rencontre avec les membres du gouvernement ukrainien. L’image est puissante tant le déplacement est inédit, puisque c’est la première fois qu’une partie du collège des commissaires se rend dans un pays en pleine guerre. “C'est un combat des démocraties contre les régimes autoritaires. [Le président russe Vladimir] Poutine essaie de nier l'existence de l'Ukraine, mais ce qu'il risque plutôt, c'est l'avenir de la Russie. Notre présence à Kiev aujourd'hui est un signal très clair : L'ensemble de l'Union européenne est aux côtés de l'Ukraine, sur le long terme”, dans son combat contre l’invasion russe, a déclaré Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne.
Ce vendredi se tiendra également un sommet entre l’Ukraine, à savoir son président Volodymyr Zelensky, et l’UE, qui sera représentée sur place par Ursula von der Leyen, Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne et le président du Conseil européen, Charles Michel.
"Le message est que nos relations avec l'Ukraine sont une priorité", expliquait une source européenne mercredi. Mais comment ou plutôt à quelle vitesse ces relations vont-elles évoluer ? C'est bien une réponse à cette question que l'Ukraine rêvait d'obtenir, alors qu'elle trépigne d'impatience pour adhérer à l'Union, après avoir obtenu en un temps record, l'année dernière, son statut de pays candidat. "Nous avons un plan très ambitieux pour rejoindre l'UE dans les deux prochaines années", déclarait début de semaine le Premier ministre ukrainien Denys Shmyhal auprès du site d'information Politico. Il était donc évident que ce serait l'un des, si pas le sujet phare de ces deux jours de rencontres, alors que c'est justement sur le timing de l'adhésion que les dirigeants européens ne pouvaient pas trop faire de promesses.
"Pour notre peuple, c'est vraiment très important. C'est une motivation. Une motivation pour défendre notre État et donc l'Europe contre les forces les plus anti-européennes au monde", a ainsi insisté jeudi le président Zelensky, lors d'une conférence de presse aux côtés d'Ursula von der Leyen, qui s'est, elle, contentée de saluer la "détermination" et les "progrès impressionnants" de Kiev.
Vendredi, la déclaration qui sera publiée à l'issue du sommet devrait également reconnaître les "efforts considérables" de l'Ukraine, qui plus est en ces "temps difficiles", et "encourager" le pays à continuer sur cette voie. Même le récent limogeage d'une série de hauts responsables ukrainiens, sur fond de soupçons de corruption, et les perquisitions qui ont suivi chez plusieurs fonctionnaires, sont perçus comme "un bon signal". "Cela prouve le fonctionnement des institutions qui ont été mises en place" par Kiev, estimait une source européenne cette semaine.
Pas de processus accéléré
Cependant, les défis liés à l’intégration par l’Ukraine de toutes les normes et législations européennes restent énormes. Malgré l’insistance des plus fervents alliés de Kiev, à savoir les États baltes et la Pologne, la plupart des États membres - qui ont tous été consultés pour formuler la déclaration - ont refusé d’aller plus loin dans leur propos, cherchant plutôt à calmer les attentes de Kiev.
Car il n'est toujours pas question de tailler un processus d'adhésion express pour l'Ukraine. "Il est clair que l'Ukraine deviendra un État membre de l'UE", assurait mercredi une source européenne. Non sans préciser : "Une fois qu'elle aura rempli toutes les conditions." Or, "nous devons faire preuve d'honnêteté : cela prendra du temps", insiste un diplomate, rappelant que le "signal politique" a été donné à l'Ukraine en lui accordant le statut de pays candidat. "Maintenant, on est dans la phase technique."
Si les États membres ne peuvent pas s'avancer sur un calendrier, c'est parce qu'il sera surtout dicté par les Ukrainiens eux-mêmes et la vitesse à laquelle ils pourront intégrer l'acquis européen. Et si Kiev y arrivait, avant que la guerre d'agression déclenchée par la Russie ait pris fin ? L'UE préfère ne pas trop songer à ce scénario qui mettrait les Vingt-sept face à des choix difficiles. "Ne pas être en guerre" ou "avoir le contrôle de tout son territoire" ne figurent pas après tout dans les critères de Copenhague, qui dressent les exigences pour devenir membre de l'UE. Sauf que les Vingt-sept ne voudraient pas répéter l'expérience avec Chypre, qui a rejoint l'UE alors que son territoire est en partie occupé par la Turquie. En plus, les Européens avaient fait du volet "relations de bon voisinage" une condition sine qua non pour l'adhésion des pays des Balkans.
Des aides concrètes
Pour autant, les leaders et commissaires européens ne sont pas arrivés les mains vides à Kiev. Jeudi, Ursula von der Leyen a sorti une nouvelle enveloppe d’aide de 450 millions d’euros pour soutenir la réparation des infrastructures et les réformes en Ukraine, tout en rappelant que l’UE s’est engagée à accorder au pays 18 milliards d’euros de prêts cette année. Elle a également annoncé l’adhésion de l’Ukraine à divers programmes européens, que ce soit pour soutenir ses entrepreneurs, favoriser la connexion énergétique du pays à l’UE, stimuler la recherche et l’innovation, mettre des experts à disposition des villes ukrainiennes pour les accompagner dans leur reconstruction… Autant d’initiatives qui doivent renforcer au passage le sentiment d’appartenance de l’Ukraine à l’Union. L’enjeu sera par ailleurs de consolider l’accès du pays au marché européen, dans le cadre de l’accord de libre-échange déjà conclu.
De plus, vendredi, Josep Borrell dévoilera une aide de 25 millions d'euros pour financer le déminage des zones libérées par les Ukrainiens. Surtout, l'UE va annoncer qu'elle est prête à former cette année 30 000 soldats ukrainiens sur son sol. Soit 15 000 de plus par rapport à ce qui avait été prévu lors de la création, fin 2022, de cette mission d'entraînement inédite, connue sous son acronyme Eumam Ukraine. "Ce sera l'un des principaux résultats du sommet", s'est félicité une source européenne. D'autant que cela permettra notamment d'apprendre à des militaires ukrainiens à manier les chars Leopard 2, que l'Allemagne a hésité, puis finalement accepté de livrer à Kiev.
Un soutien militaire significatif
Dans le même esprit, l’UE a validé cette semaine l’ajout de 500 millions d’euros supplémentaires à l’enveloppe, prévue dans le cadre de la Facilité européenne pour la Paix, pour financer la livraison d’armes à l’Ukraine. Cela porte le montant de cette initiative à 3,6 milliards d’euros, qui s’ajoutent aux équipements fournis de manière bilatérale à l’Ukraine par les États membres - mercredi, une source européenne estimait le "significatif" soutien militaire européen à 12 milliards d’euros. Un soutien crucial, mais qui devra sans doute être davantage renforcé, alors que l’Ukraine craint une forte offensive de la Russie… Avec des avions de chasse ? La question, ultracontroversée, est pour l’heure écartée tant par les Européens que par les Américains.