“La Russie tente de relancer des opérations offensives majeures en Ukraine”
Les forces de Kiev font face aux incessants tirs d’artillerie et assauts russes dans l’Est. D’où l’insistance de Kiev, alors qu’on attend le président Volodymyr Zelensky en personne au Conseil européen de Bruxelles jeudi, pour obtenir des avions de combat occidentaux.
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Publié le 07-02-2023 à 18h37 - Mis à jour le 07-02-2023 à 18h38
L’heure n’est plus à l’euphorie qui avait accompagné la reprise de territoires occupés par les Russes dans l’est et le sud de l’Ukraine. Les forces de Kiev, qui ont dû abandonner le bourg de Soledar en début d’année, vivent des heures sombres dans les tranchées du Donbass. Leur situation sur les 300 km les plus chauds de la ligne de front, où les tirs d’artillerie et les assauts russes se succèdent sans répit, se fragilise de jour en jour.
“La Russie tente de relancer des opérations offensives majeures en Ukraine depuis début janvier”, dans le but opérationnel “quasi certain” de “capturer les parties restantes de l’oblast de Donetsk détenues par l’Ukraine”, affirme le Renseignement britannique, mardi, dans son état des lieux quotidien.
Nicolas Gosset, chercheur à l’Institut royal supérieur de défense, le constate également : les forces russes “sont en train de repasser dans une posture beaucoup plus offensive, avec plus d’hommes, plus de matériel, plus de puissance de feu, partout”.
Les Russes sont en train de repasser dans une posture beaucoup plus offensive, avec plus d’hommes, plus de matériel, plus de puissance de feu, partout.
De lourdes pertes
La mobilisation d’hommes, décrétée par Vladimir Poutine en septembre dernier, “a permis de stabiliser les lignes russes, de relever les niveaux d’effectifs et de constituer des réserves. Par conséquent, l’Ukraine ne bénéficie plus d’un avantage significatif en termes d’effectifs”, rapporte Michael Kofman, directeur des études sur la Russie à l’institut de recherche CNA. Qui plus est, les pertes humaines sont énormes du côté ukrainien aussi.
“Ce mois de février s’annonce difficile pour les soldats ukrainiens forcés de résister ‘à l’économie’ pour préserver les réserves indispensables à la libération de leur pays envahi. Certains parlent de ‘nerfs d’acier’: ils ont raison (avec la précision que les Ukrainiens n’ont pas le choix : c’est résister ou disparaître)”, résume l’historien militaire Cédric Mas, qui analyse quasi quotidiennement le front depuis le début du conflit.
D’où l’insistance de Kiev, alors qu’on attend le président Volodymyr Zelensky en personne au Conseil européen de Bruxelles jeudi, pour obtenir des avions de combat occidentaux, après les blindés et les chars qui font craindre à Moscou un printemps difficile. “La vraie fenêtre d’opportunité pour les Russes est maintenant, avant que les nouvelles livraisons occidentales n’arrivent, et notamment les chars qui pourraient être là fin mars”, avance Nicolas Gosset. “Je ne dis pas que cela va fonctionner mais, en tout cas, les Russes vont tenter quelque chose.”
Plusieurs centaines de mètres
Ils poursuivent sans relâche leur poussée dans le secteur de Bakhmout, où “les combats évoluent avec succès”, assure mardi le ministre de la Défense Sergueï Choïgou. “J’ai le sentiment que les Ukrainiens sont en train de préparer potentiellement la chute de Bakhmout” et de faire en sorte, le cas échéant, que “les Russes ne puissent pas en profiter pour passer vers Kramatorsk et Sloviansk”, pronostique Nicolas Gosset.
Les forces ukrainiennes tiennent bon pour l’instant, mais les perspectives s’annoncent difficiles pour au moins deux semaines
La situation s’annonce également compliquée pour les Ukrainiens dans le Nord-Est, où les troupes de Moscou se concentrent de Koupiansk à Kreminna. “Les forces ukrainiennes tiennent bon pour l’instant, mais les perspectives s’annoncent difficiles pour au moins deux semaines”, prévoit Cédric Mas. “Le Renseignement ukrainien annonce des concentrations russes à l’arrière du front qui n’augurent rien de bon pour la suite.”
Cela étant, si “la Russie dispose désormais d’effectifs en quantité et continue de déstocker des équipements”, “la qualité des forces semble relativement faible”, ajoute Michael Kofman. “Cela limite le potentiel offensif et les options d’emploi des forces.”
Les troupes de Moscou n’ont d’ailleurs jusqu’ici “réussi à gagner que plusieurs centaines de mètres de territoire par semaine”, relève le ministère britannique de la Défense. “Les commandants supérieurs élaborent des plans nécessitant des unités sous-équipées et inexpérimentées pour atteindre des objectifs irréalistes en raison de la pression politique.” Aussi se révèle-t-il “peu probable que la Russie puisse constituer les forces nécessaires pour influer de manière substantielle sur l’issue de la guerre dans les semaines à venir”.