Le Conseil de l’Europe ne cède pas sur l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme concernant la Russie
La Russie a été exclue de l’organisation paneuropéenne mais est toujours tenue d’exécuter les arrêts de la Cour relatifs à des faits antérieurs à septembre 2022. Moscou fait la sourde oreille aux appels répétés du Comité des ministres du Conseil de l’Europe.
- Publié le 06-04-2023 à 08h57
- Mis à jour le 06-04-2023 à 18h24
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Qu’adviendra-t-il des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) relatifs à la Russie ? Ultime recours des citoyens européens lorsqu’ils ont épuisé les voies juridiques nationales, la Cour située à Strasbourg est souvent qualifiée de “bras armé” du Conseil de l’Europe. Le nombre d’États membres du Conseil de l’Europe (qui n’est pas une institution de l’Union européenne) est passé de 47 à 46 en mars 2022, date à laquelle la Russie a été exclue de l’organisation, un mois après l’invasion de l’Ukraine.
Cette agression armée d’un État membre du Conseil de l’Europe par un autre État membre a secoué très profondément l’institution créée en 1949 pour assurer la stabilité du continent par la justice, la coopération internationale et le respect des droits humains. Directe émanation du Conseil de l’Europe, la CEDH joue un rôle fondamental dans ce cadre et il est crucial que les arrêts qu’elle prononce à l’encontre des États européens mis en cause par leurs citoyens soient bien exécutés.
Le Comité des ministres du Conseil de l’Europe, au sein duquel sont représentés les États membres, se réunit plusieurs fois par an afin de faire le point et publie, chaque année, un rapport sur la question. Publiée ce jeudi, l’édition 2022 accorde une large part aux affaires russes, tant la situation est inédite.
Silence radio de Moscou
Bien qu’exclue du Conseil de l’Europe, la Russie est restée liée à la Convention européenne des droits de l’homme jusqu’en septembre 2022. Ce sont au total 2352 affaires concernant la Russie qui sont toujours pendantes. Elle est donc tenue d’exécuter les arrêts de la CEDH relatifs à des faits antérieurs à cette date, ce dont doit s’assurer le Comité des ministres du Conseil de l’Europe, au sein duquel sont représentés les États membres. Celui-ci est désormais confronté au silence radio de Moscou qui ne répond pas plus aux propositions de réunions qu’aux demandes d’information ou aux courriers adressés au ministre des affaires étrangères Lavrov par la Secrétaire générale du Conseil de l’Europe.
Le Comité des ministres s’est ainsi vu contraint à mettre en place des “stratégies novatrices” a déclaré la Britannique Claire Ovey, cheffe du service de l’exécution des arrêts du Conseil de l’Europe lors d’une conférence de presse organisée mercredi.
Les contacts et les réunions avec la société civile russe, les ONG de défense des droits de l’homme et d’autres organes internationaux comme le comité des droits de l’homme des Nations unis ont ainsi été multipliés lors de l’examen de 25 affaires individuelles ou groupes d’affaires russes comprenant des affaires interétatiques Géorgie contre Russie, des violations des droits de l’homme en Transnistrie et dans le Caucase. D’autres ont trait aux violences domestiques ou policières. Il y a encore le cas d’Alexeï Navalny, opposant au président russe Vladimir Poutine toujours emprisonné alors que la Cour a réclamé sa libération.
À la question de savoir pourquoi le Comité des ministres s’obstine à traiter ces affaires russes, Claire Ovey répond qu’il est “important” de faire valoir que, quelles que soient les circonstances, un État reste lié par les obligations contractées lors de la ratification de la Convention européenne des droits de l’homme. Il s’agit aussi d’exprimer une “solidarité avec la société civile russe et les requérants” en prenant des décisions qui pourront être “utiles” ultérieurement, poursuit-elle avant de conclure que “le message porte sur les valeurs du Conseil de l’Europe”. À savoir la défense de la démocratie, de l’état de droit et des droits humains.
Réagissant à la publication du rapport, la Secrétaire générale du Conseil de l’Europe Marija Pejčinović Burić a souligné l’importance du respect des décisions de la Cour au regard de l’état de droit. Elle a confirmé que l’exécution des arrêts serait un "thème important" du Sommet des chefs d’État et de gouvernement des pays membres qui se tiendra en Islande à Reykjavik les 16 et 17 mai. A ses yeux, une "volonté politique" s’impose.
Et la Belgique ?
Au rang des “avancées” significatives, le Rapport 2022 sur la surveillance des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme cite l’arrêt concernant l’affaire belge “Lachiri c. Belgique” (2018) concernant la liberté de religion et l’exclusion de la requérante d’une salle d’audience pour avoir refusé d’enlever son hijab.
L’article du Code judiciaire justifiant cette exclusion prévoyait que “celui qui assiste aux audiences se tient découvert, dans le respect et le silence : tout ce que le juge ordonne pour le maintien de l’ordre est exécuté ponctuellement et à l’instant”.
”Les autorités belges ont apporté une solution aux questions soulevées par l’arrêt de la Cour en supprimant le mot 'découvert'”, précise le rapport, “ce qui supprime l’obligation d’enlever un hijab, une kippa ou tout autre couvre-chef”.
Dix-neuf nouveaux dossiers concernant la Belgique ont été ouverts en 2022, ce qui représente une augmentation par rapport aux deux années précédentes (le nombre était de 14 en 2021 et 2022). Au 31 décembre 2022, la Belgique avait encore 44 affaires en attente d’exécution. Elles concernent notamment les conditions de détention dans les prisons, la détention inappropriée de personnes atteintes de troubles mentaux, le droit à des élections libres et l’absence de recours pour en contester les résultats ainsi que la durée excessive des procédures civiles et pénales.