La nourriture, le nerf de la guerre en Ukraine : “Le manque de diversité et de légumes nuit au moral des soldats”
Indignation sur la nourriture fournie aux soldats par le ministère de la Défense ukrainien.
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Publié le 29-04-2023 à 20h58 - Mis à jour le 29-04-2023 à 21h13
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Ce n’est sans doute pas un hasard si l’un des principaux scandales de corruption ayant fait trembler le gouvernement ukrainien depuis le début de l’invasion russe était centré sur l’alimentation des soldats. En découvrant les prix majorés que le ministère de la Défense débourse pour acheter certains aliments – environ 0,42 euro pour un œuf au lieu de quelque 0,17 euro dans un supermarché – l’opinion publique s’est indignée du traitement réservé aux militaires. Et interrogée sur les défis de l’approvisionnement d’une armée dont les effectifs ont plus que triplé en quelques mois. Une question particulièrement sensible dans le contexte d’une guerre existentielle qui s’installe dans la durée. Or, comme le disait Napoléon Bonaparte, “une armée marche avec son estomac”.
Les réformes de la défense ukrainienne depuis le début de la guerre en 2014 ont pourtant nettement amélioré la qualité des rations militaires. L’adaptation aux standards de l’Otan s’est accompagnée de l’incorporation de technologies autochauffantes ou encore d’aliments et substances énergétiques et multivitaminées. La ration quotidienne est calculée pour un apport de 3600 calories maximum, la moyenne pour un civil étant établie entre 2000 et 2500 calories par jour.
La conception passéiste de l’alimentation du ministère de la Défense
Reste que “les fonctionnaires du ministère restent arc-boutés sur des recettes traditionnelles, basées sur des pommes de terre, des féculents et de la viande”, déplore Jenia Mykhailenko, chef d’une brigade culinaire à Zaporijia. “Le manque de diversité et de légumes nuit au métabolisme des soldats et par extension à leur moral”. Un nombre croissant de voix s’inquiète également de l’absence de rations végétariennes et véganes. Selon une étude de 2020 de l’institut international de sociologie de Kiev, on recenserait 4,5 millions de végétariens en Ukraine.
Ce conservatisme se ressent dans les cuisines de l’armée, désormais bien établies le long des centaines de kilomètres de la ligne de front statique depuis des mois et dans les livraisons d’associations bénévoles. Bortsch, côtelettes et pommes de terre bouillies recouvrent le plus généralement les tables, les recettes plus élaborées étant délaissées par manque de temps et de moyen. Les conditions d’hygiène posent aussi question, en écho aux anecdotes d’indigestion ou encore de diarrhées qui ne manquent pas d’égayer les conversations. Dans une Ukraine agraire dont la conscience collective est encore traumatisée par la mémoire de l’Holodomor, la grande famine de 1932-33, la guerre pour le futur se joue aussi dans les cuisines.