Guerre en Ukraine : "Il faut s’attendre, de la part de la Russie, à des frappes de plus en plus précises et destructrices"
Bombardements russes incessants, Zelensky qui demande des avions de combats F-16 aux Occidentaux : la guerre en Ukraine se joue aussi dans les airs.
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Publié le 22-05-2023 à 18h08
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Dans un rapport publié ce lundi, la Défense britannique affirme que l’armée russe est en train de former une nouvelle unité aérienne d’attaque d’élites, sous le nom “Shtorm”. Que cela traduit-il de la stratégie russe ? Samuel Longuet, chargé de recherches au Crip, fait le point sur les combats aérospatiaux en Ukraine.
Si les informations des renseignements britanniques sont avérées, la Russie cherche à augmenter la cadence de production de bombes guidées et à rassembler des pilotes bien formés, plus expérimentés, pour obtenir un avantage dans les airs, informe le chercheur, contacté par La Libre. “Cela signifie que le commandement russe a conscience que l’aviation n’a pas le rendement qu’elle aurait dû avoir”, assure-t-il.
En effet, l’armée de l’air russe fait face à plusieurs faiblesses : l’état de son matériel et la formation de ses pilotes. “Jusqu’à présent, la Russie utilisait assez peu de bombes guidées. Plutôt des bombes lisses, moins précises, dans des conditions de vol rendues difficiles par la défense ukrainienne”, détaille l’expert en politique internationale. Bien que cela tend à changer : les Ukrainiens reçoivent “de plus en plus de bombes guidées russes sur la figure, selon l’Ukraine”, précise-t-il. “Dans l’Otan, le standard pour un pilote bien entraîné, c’est 180 heures de vol par an. Par contre, du côté russe, on a des entraînements annuels qui sont en dessous de 100 heures de vol”, poursuit-il. D’autant plus que le commandement russe a tendance à donner les missions les plus dures aux pilotes les plus expérimentés, qui ont donc plus de chance de disparaître des effectifs. Ce qui prive au passage l’armée de formateurs.
Ceci est lié à la doctrine aérospatiale russe, qui voit “l’aviation comme un auxiliaire des forces terrestres, contrairement à la pensée occidentale où c’est la force aérienne qui détermine le succès d’une opération militaire. D’ailleurs les hauts responsables de l’armée russe sont quasiment tous issus des forces terrestres. Ce qui explique que l’aviation a été placée au second plan dès le lancement de 'l’opération militaire spéciale' de Poutine”, renseigne Samuel Longuet.
Impasse aérienne
Pour autant, la Russie reste technologiquement supérieure à l’Ukraine dans les airs. “L’Ukraine ne rivalise pas avec la Russie dans les airs, mais elle arrive à la neutraliser”, indique Samuel Longuet. Depuis plusieurs mois, on assiste à un blocage, aucun des deux camps n’arrive à survoler l’espace aérien de l’autre, les défenses antiaériennes fixes ukrainniennes obligent les avions russes à bombarder à basse altitude, leur offrant moins de précision. D’où la demande de Zelensky d’avions de combats F-16 auprès des Occidentaux. Le président ukrainien “aimerait avoir un complément dans les airs de sa défense antiaérienne au sol”.
Et du côté de Washington, on s’inquiète de l’état des stocks d’armes des forces armées ukrainiennes. “Selon l’un des mémos contenu dans la fuite de documents du pentagone, la campagne de bombardements russe sur les infrastructures énergétiques ukrainiennes de ces six derniers mois visait peut-être à épuiser le stock de missiles antiaériens ukrainiens pour donner une marge de manœuvre à l’aviation russe par la suite”, avance l’expert.
La stratégie Sthorm s’avérera-t-elle efficace ? Ce sont les prochaines semaines qui le diront. De manière générale, il y a une volonté russe d’utiliser plus de bombes guidées, ce qui permettra de larguer les missiles de plus haut, donc plus loin de la défense antiaérienne ukrainienne. “Il faut s’attendre, de la part de la Russie, à des frappes de plus en plus précises et destructrices”, estime Samuel Longuet.