"L’armée russe s’étant révélée inefficace, Poutine joue la dernière carte dont il dispose"
Moscou déploie des armes nucléaires tactiques en Biélorussie, faisant de Minsk “l’otage des ambitions impériales russes”, selon l’opposante Svetlana Tikhanovskaïa.
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Publié le 26-05-2023 à 19h10 - Mis à jour le 26-05-2023 à 22h12
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Des camions militaires américains Humvee et MaxxPro auraient été retrouvés dans la région de Belgorod, après l’incursion de combattants russes depuis le territoire ukrainien. L’information, si elle est confirmée à l’issue de l’enquête lancée par les États-Unis, fait l’effet d’un pavé dans la mare, alors que plusieurs des alliés de Kiev redoutent que le matériel militaire qu’ils lui livrent depuis le début de la guerre – des missiles longue portée aux avions de chasse – ne soit utilisé sur le sol russe.
Aussi John Kirby, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, a-t-il déclaré vendredi, dans un entretien à CNN, avoir “clairement” rappelé à l’Ukraine “quelles sont nos attentes concernant l’attaque de la Russie ; nous ne voulons pas encourager ou permettre cela, nous ne voulons certainement pas qu’un équipement fabriqué aux États-Unis soit utilisé pour attaquer le sol russe”.
Sol russe qui a été à nouveau visé, vendredi, par des tirs d’artillerie et des attaques de drones sur les régions de Belgorod, Krasnodar et Rostov, selon les autorités locales.
Minsk, “otage” des ambitions russes
La Russie, qui a lourdement frappé l’Ukraine et notamment une clinique de Dnipro vendredi, continue pour sa part à se déployer sur le territoire de son voisin biélorusse, frontalier de la Pologne, de la Lituanie et de l’Ukraine. Le ministre de la Défense biélorusse, Viktor Khrenin, et son homologue russe, Sergueï Choïgou, ont signé mercredi à Minsk un accord sur l’installation d’armes nucléaires “non stratégiques” dans le pays, deux mois après que Vladimir Poutine eut annoncé qu’il comptait y déployer des ogives nucléaires “tactiques”, nourrissant la crainte d’une escalade et d’une extension de la guerre.
Alexandre Loukachenko, qui participait à un sommet régional à Moscou, a ajouté jeudi que “le transfert des charges nucléaires (avait) commencé”.
“La Russie ne cède pas ses armes nucléaires à la République de Biélorussie : la partie russe les contrôlera et prendra les décisions relatives à leur utilisation”, a précisé le ministre Choïgou. Ce qui avait précédemment fait dire à Vladimir Poutine que ce déploiement n’enfreindrait donc pas le traité de non-prolifération nucléaire.
Svetlana Tikhanovskaïa, la leader de l’opposition biélorusse en exil, ne partage pas cet avis. Selon elle, il viole non seulement les engagements internationaux de son pays, mais aussi “notre statut de pays non nucléaire en vertu de la Constitution”. Ce faisant, elle se réfère à la précédente loi fondamentale, qui a été modifiée l’an dernier à la suite d’un référendum qui avait fait opportunément disparaître l’obligation imposée à la Biélorussie de rester une “zone sans nucléaire”.
“Depuis le début de l’invasion russe de l’Ukraine, Poutine a utilisé son arsenal nucléaire pour intimider le monde. L’armée russe s’étant révélée inefficace, il joue la dernière carte dont il dispose”, a ajouté Svetlana Tikhanovskaïa, dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux. “Cela mettrait non seulement en danger la vie des Biélorusses, mais créerait également une nouvelle menace contre l’Ukraine et l’ensemble de l’Europe.”
Pour les experts de l’Institut d’étude de la guerre (ISW), “la Russie dispose depuis longtemps d’armes nucléaires capables de frapper toute cible que des armes nucléaires tactiques lancées depuis la Biélorussie pourraient également atteindre”. Ils estiment, en outre, “extraordinairement improbable que Poutine utilise des armes nucléaires en Ukraine ou ailleurs”.
Il est très peu probable que Poutine utilise des armes nucléaires en Ukraine ou ailleurs.
L’enjeu, selon eux, se trouve ailleurs, dans le fait que “le déploiement d’armes nucléaires tactiques nécessite à la fois une infrastructure militaire importante et le commandement et le contrôle par la Russie d’éléments des forces armées biélorusses”. Ainsi, “le Kremlin a probablement l’intention d’utiliser ces exigences pour subordonner davantage la sphère de sécurité biélorusse à la Russie”.
Comme le redoute Svetlana Tikhanovskaïa, cela fera des Biélorusses “les otages des ambitions impériales russes”.