Attaque de drones sur Moscou: "La stratégie qui est suivie par l’Ukraine est claire"
Moscou a été visée mardi par une attaque de drones. Cet événement pose plusieurs questions. Décryptage avec le chercheur Nicolas Gosset.
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- Publié le 30-05-2023 à 16h31
- Mis à jour le 30-05-2023 à 17h08
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Moscou a été visée mardi à l'aube par une rare attaque de drones qui ont provoqué des dégâts "mineurs" sur des bâtiments sans faire de victimes. La capitale russe et sa région, situées à plus de 1.000 km de l'Ukraine, n'ont été jusqu'à présent que très rarement visées par des attaques de drones depuis le début du conflit, même si ce type d'attaque s'est multiplié ailleurs en Russie.
Contacté par La Libre, Nicolas Gosset, chercheur à l’Institut royal supérieur de défense (IRSD), se montre très prudent : “Cet événement ne me surprend pas mais il y a quand même beaucoup d’imprécisions et incertitudes. Ce qui est évident par contre, c’est qu’il y a des relais ukrainiens en Russie qui sont de plus en plus nombreux.”
Quand on lui demande si les drones pouvaient provenir directement d’Ukraine, l’expert émet des doutes. “On ne sait pas exactement de quel type d’appareil il s’agit. Jusqu’à présent, quand il y avait des attaques de drones documentées, cela tendait plutôt à démontrer une action depuis le territoire russe-même. Maintenant tout cela reste à circonstancier.”
Suite à cette attaque, Nicolas Gosset, qui rappelle que les dégâts de drones à Moscou restent mineurs par rapport à ceux infligés à Kiev, insiste sur un élément : “La stratégie claire qui est suivie par l’Ukraine est de jeter le trouble sur le territoire-même de la Fédération de Russie. On en a déjà eu l’exemple avec les incursions de Belgorod. Je pense que fondamentalement, ce type d’action a avant tout une dimension psychologique plus qu’une dimension tactique ou stratégique. C’est véritablement une manière de faire apparaître la vulnérabilité de la Russie à des attaques ukrainiennes en affirmant côté ukrainien que 'si on avait voulu vraiment vous attaquer avec des drones armés et faire une attaque de grande ampleur à Moscou, c’eût été possible'.”
Cela étant, l’expert émet aussi des réserves quant à la responsabilité directe de l’Ukraine. “Dans le brouillard de la guerre, on se demande tout le temps à qui profite le crime. Alors c’est évident qu’une démonstration d’acteurs ukrainiens, de leur capacité d’agir au coeur-même de la Russie sert les intérêts de l’Ukraine. Mais je me pose aussi la question : il y a un tel flou par rapport à toutes les actions qui sont conduites sur le territoire russe que c’est aussi une manière d’alimenter le discours sur la menace qui pèse sur la sécurité de la Russie.”
L’attaque de drones pourrait-elle donc être un coup monté par la Russie ? “Ce n’est pas l’attaque contre l’Ukraine qui coalise les Russes derrière le régime, c’est l’idée que la patrie est menacée. Et donc effectivement, ça pourrait venir servir cette argumentation”, précise Nicolas Gosset, qui tient quand même à souligner qu’il s’agit là de l'” hypothèse la plus basse” mais qu’on “ne peut l’écarter”. Tout comme la possibilité que ces actions émanent d’un “groupe de volontaires patriotes russes énervés anti-Poutine”.
Quant au risque que les Ukrainiens utilisent des armes occidentales sur le territoire russe, le chercheur n’y croit pas. “La probabilité ici que ce soit des armes occidentales utilisées est quasi nulle. Il y a une dissociation claire entre ce type d’action et l’utilisation d’armements occidentaux sur le territoire russe. Et jusqu’à présent, les Ukrainiens ont été extrêmement transparents et mesurés.”
Enfin, Nicolas Gosset revient sur l’attitude d'Evguéni Prigojine, le patron de Wagner, qui a encore eu des mots durs à l’encontre de la Défense russe à la suite de cette attaque de drones. “Prigojine a, depuis des mois, trois cibles privilégiées : Sergueï Choïgou (ministre de la Défense), le général Valéri Guerassimov et l’état-major. C’est avec eux que Prigojine est en lutte ouverte, certainement pas avec Vladimir Poutine. Il avait déjà fait la même sortie au moment des attaques de Belgorod en disant qu’ils étaient incapables de protéger le territoire russe. Je pense d’ailleurs que c’est le jeu auquel jouent également les Ukrainiens, en faisant apparaître au grand jour et aux yeux de l’opinion publique russe que la défense qui est fournie par l’appareil de défense russe est finalement incertaine et plus faible que ce qui est souvent annoncé.”