Que cherche l’organisation de l’Etat islamique (ou Daech), en perpétrant un attentat comme celui qui a fait jeudi 44 morts et 238 blessés à Beyrouth ? Deux explosions rapprochées ont ravagé le quartier multiculturel de Bourj el-Barajneh dans la banlieue sud de la capitale libanaise. C’est la deuxième attaque la plus meurtrière au Liban depuis la fin de la guerre civile en 1990, après un double attentat en août 2013 qui avait fait 45 morts.
L’objectif de Daech (ou de ses commanditaires), qui a revendiqué l’attentat, semble à première vue de sanctionner le Hezbollah, l’organisation politique et armée chiite libanaise, pour son intervention militaire - cruciale - en Syrie aux côtés de l’armée et des forces loyales au pouvoir de Damas. Les miliciens du Hezbollah font la guerre, entre autres, aux combattants jihadistes de Daech en Syrie.
"L’action est purement punitive" , explique Aurélie Daher, spécialiste du Liban et du chiisme moyen-oriental, auteur de "Hezbollah, mobilisation et pouvoir" (PUF, 2014). Mais les raisons en sont multiples. "Il me paraît y avoir chez certains militants jihadistes l’espoir d’un désengagement du Hezbollah et d’un repli sur son territoire national, le Liban. Il me paraît aussi y avoir le besoin de répondre aux victoires remportées par le Hezbollah en Syrie contre les mêmes jihadistes, le besoin de faire mal à son tour, sans réel espoir de changer la donne sur le terrain syrien" , estime-t-elle.
"C’est une riposte à ces changements importants sur le terrain, non seulement en Syrie où on assiste à une reprise progressive du territoire national par le pouvoir, mais aussi en Irak, avec la reprise (annoncée par les Kurdes, NdlR) cette semaine de Sinjar" , précise le politologue et sociologue Rudolf el Kareh, spécialiste du Moyen-Orient. Ces dernières semaines, les forces loyalistes syriennes - avec le concours des frappes russes, des combattants iraniens et du Hezbollah - ont regagné du terrain sur les divers groupes rebelles, dont Daech. Jeudi, ces forces se sont emparées de la ville d’Al-Hader, au sud d’Alep (Nord), qui était le plus grand QG des forces rebelles, dont Al Qaïda en Syrie (ou Front al-Nosra) et d’autres groupes islamistes. Deux jours plus tôt, elles avaient brisé le siège de l’aéroport militaire de Kweires, dans la province d’Alep, imposé depuis deux ans par Daech.
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