L’attentat de Damas porte la marque d’un État islamique recentré sur la Syrie

Selon l’agence syrienne Sana, deux mines attachées au véhicule ont explosé tandis qu’une troisième, tombée de l’autobus, a été neutralisée par l’armée. Les faits se sont déroulés dans le quartier de Jisr al-Rais, à deux pas du riche Musée national, un quartier largement préservé de la guerre, si ce n’est durant l’offensive à la roquette menée par différents groupes rebelles en 2015.

"L'armée met le paquet sur la dernière poche rebelle d'Idlib. On ne peut exclure que ce soit des éléments de cette poche qui ont commis l'attentat. Mais l'État islamique a signé plusieurs attentats de ce genre. Il ne les a pas systématiquement revendiqués", analyse Didier Leroy, chercheur à l'Institut royal supérieur de défense (IRSD) de Bruxelles.

Dépourvu depuis 2019 d'un territoire, alors qu'il contrôlait 30 % de la Syrie dans ses années fastes, l'EI s'est mué en un groupe de guérilla qui s'attaque principalement aux militaires syriens et à leurs supplétifs iraniens et russes. Depuis 2020, il a lancé une offensive "pour venger les deux cheikhs", une référence à l'assassinat de son "calife" Abou Bakr al-Baghdadi et de son porte-parole Abou Hassan al-Mouhajir.

Le groupe terroriste tend des embuscades à l'armée syrienne, selon le principe du hit and run, principalement dans les régions de Homs, de Deir Ezzor et sur la route de Palmyre, dans le désert de Badiya. Il s'attaque aussi aux Forces démocratiques syriennes (FDS), à dominante kurde, dans les régions de Raqqa et de Hassaké. Selon l'OSDH, plus de 1 500 soldats de l'armée régulière syrienne et des milices loyales au régime ont été tués par l'EI depuis 2019.

Repliés dans le désert de la Badiya

Chassés de leurs territoires conquis, les djihadistes semblent s'être repliés sur leur zone historique de la Badiya, celle des bédouins sunnites qui ont au fil des décennies rallié les abords des villes de l'ouest. "De nombreux combattants syriens de l'EI sont initialement des membres des tribus de la Badiya, familiers avec ce terrain rocailleux comprenant des collines, des vallées, des grottes et des tunnels les reliant. En opérant des raids stratégiques, ils peuvent agir dans de petits groupes, se mouvoir avec un armement léger et se retirer immédiatement après leurs attaques", écrit Didier Leroy, dans une note récente publiée par l'IRSD.

Paradoxalement, le désert ou semi-désert syrien contient de nombreuses cibles pour l’EI - des bases militaires, des puits de pétrole et des mines de phosphate que Damas exploite. Mais l’attentat de mercredi tend aussi à démontrer que le groupe veut toucher le pouvoir au cœur d’une capitale en grande partie épargnée par les combats, mais minée par le chômage et les difficultés économiques.

Une heure après l’attentat, l’armée syrienne a pilonné un quartier animé d’Ariha dans la poche d’Idlib, faisant treize morts, dont quatre enfants et leur institutrice, et au moins 26 blessés selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) qui maintient un réseau d’informateurs depuis le Royaume-Uni. L’agence officielle Sana n’a pas fait état de ces tirs d’artillerie meurtriers. Un des reproches adressés au régime syrien, depuis le début de la guerre, a été de s’en prendre en priorité à l’opposition armée soutenue par la Turquie et d’autres pays plutôt que de pourchasser implacablement l’État islamique.