La Turquie tente de devenir médiatrice dans la crise du blé ukrainien
Le blocage de tonnes de blé dans les ports ukrainiens offre à la Turquie une occasion d'aider à résoudre la crise.
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- Publié le 27-06-2022 à 13h31
- Mis à jour le 27-06-2022 à 15h04
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Depuis les débuts de l’agression russe en Ukraine, le drapeau ukrainien flotte quotidiennement dans les médias et sur les réseaux sociaux. Ses bandes superposées bleu et jaune illustrent le paysage de l’Ukraine : un ciel, sans nuages, et un vaste champ de blé. Or la céréale, exportée par l’Ukraine à hauteur de 12 % des besoins mondiaux, cristallise depuis plusieurs semaines les tensions aussi bien dans la région que sur la scène internationale. Dans le bras de fer qui l’oppose à Kiev, Moscou n’hésite pas à utiliser cette carte, internationalisant ainsi un peu plus le conflit. De nombreux pays d’Afrique et du Moyen-Orient sont en effet très dépendants des exportations issues de la région.
Avec le blocus maritime russe en mer Noire, des millions de tonnes de blé sont coincées dans les ports ukrainiens et laissent craindre une crise alimentaire d'ampleur. "Vous savez, si aujourd'hui nous avons environ 20 à 25 millions de tonnes bloquées, à l'automne cela pourrait être 75 millions de tonnes", a agité le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, lundi 6 juin.
Partenaire des deux belligérants, la Turquie tente une nouvelle fois de s'imposer en médiatrice dans le conflit. "Nous avons une quinzaine de bateaux remplis de céréales dans les ports (ukrainiens). Ces questions ont été discutées (au cours) de nombreuses conversations. Les échanges diplomatiques très intenses se poursuivent", a déclaré le ministre de la Défense Hulusi Akar, le 17 juin. "Dans les jours qui viennent, nous verrons un développement rapide des choses. Nous tentons de résoudre rapidement cette question avec l'organisation d'une réunion entre la Russie, l'Ukraine, l'Onu et la Turquie", a-t-il poursuivi.
Les efforts diplomatiques turcs visent à élaborer une feuille de route conjointe entre Moscou et Kiev afin de créer un "corridor céréalier" sous l'égide des Nations unies, ainsi qu'un "centre d'observation des corridors" à Istanbul. C'est dans ce cadre que le ministre des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu avait reçu son homologue russe, Sergueï Lavrov, le 8 juin, à Ankara. Les mines maritimes présentes en mer Noire compliquent l'opération. Mais le ministre turc a précisé, le 15 juin, que le plan de l'Onu permettrait d'instaurer des "lignes sécurisées" et n'impliquait pas de nettoyage préalable des zones de circulation des vraquiers.
Médiation et tensions
Dès les débuts du conflit, la diplomatie turque s’est efforcée d’adopter une position neutre vis-à-vis de la Russie pour éviter de déclencher le courroux de Vladimir Poutine. Elle n’en reste pas moins également un partenaire de l’Ukraine, à qui elle vend des drones de combat. Si Recep Tayyip Erdogan et Vladimir Poutine soutiennent parfois des camps opposés dans les conflits qui enflamment la région, les présidents turc et russe savent s’asseoir à la table des négociations pour protéger leurs intérêts.
La Turquie et la Russie collaborent d’une part dans le domaine militaire puisque Ankara s’est procuré des missiles russes de défense antiaérienne, les S-400, en 2017. La Turquie entretient une dépendance économique vis-à-vis de son voisin du Nord, son deuxième partenaire commercial après l’Union européenne. Enfin, Ankara collabore avec Moscou dans le domaine énergétique, puisque 44 % de ses besoins en gaz sont couverts par la Russie et que cette dernière assure la construction de la première centrale nucléaire au sud de la Turquie.
Et la Turquie pourrait également faire bénéficier son marché intérieur du règlement de la crise du blé. En effet, sujettes à une grave sécheresse l’an dernier, les réserves de blé du pays tendent à se réduire.
Si la Turquie joue la carte de la médiation dans le cadre de la guerre en Ukraine, son actualité diplomatique reste dominée par les tensions. Elle maintient toujours son veto à l'entrée de la Suède et de la Finlande dans l'Otan. Ankara a également annoncé une prochaine intervention au nord de la Syrie contre les forces kurdes.