"Le sang de nos jeunes dégouline de tes doigts": en Iran, l’opposition aux mollahs s’invite à la télévision
Le journal télévisé a été la cible d’une cyberattaque, alors que le mouvement de contestation entre dans sa quatrième semaine. En Turquie, la communauté iranienne en ébullition.
Publié le 09-10-2022 à 19h46 - Mis à jour le 10-10-2022 à 08h05
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Soudain, l'image du guide suprême Ali Khamenei, léché par les flammes, la tête ciblée, et ce message apparu à l'écran de la télévision d'État : "Le sang de nos jeunes dégouline de tes doigts". Le journal télévisé iranien, pendant qu'il retransmettait une prise de parole de l'ayatollah, a été piraté quelques secondes, samedi soir, dans une action revendiquée par le groupe Edalat-e Ali (La justice d'Ali). "Il est temps de ranger tes meubles […] et de te trouver un autre endroit pour y installer ta famille hors d'Iran." Plusieurs médias ont partagé la vidéo de la cyberattaque perpétrée, selon l'agence de presse Tasnim, "par des agents anti-révolutionnaires".
Un acte aussi spectaculaire qu'humiliant pour les autorités, alors que le mouvement de contestation, entré ce week-end dans sa quatrième semaine, ne faiblit pas en Iran malgré les 95 morts enregistrées par l'ONG Iran Human Rights. "Nous n'avons plus peur. Nous nous battons", pouvait-on lire sur une banderole accrochée à un viaduc de l'autoroute Modares qui traverse Téhéran du nord au sud.
Des manifestations, dont les images circulent sur les réseaux sociaux, ont encore eu lieu dans plusieurs villes du pays. À Téhéran, on a entendu des protestataires chanter "mort à Khamenei" et "mort au dictateur". À Saqez, la ville natale de Mahsa Amini, morte après avoir été arrêtée par la police des mœurs pour un voile mal ajusté sur sa chevelure, on découvre des écolières qui agitent leur foulard au-dessus de leur tête en scandant "Femme, vie, liberté". À l'université Al-Zahra, exclusivement féminine, on voit des étudiantes sauter en scandant "Le mollah devrait se barrer". Le président, Ebrahim Raïssi, était venu démentir toute implication des forces de l'ordre dans la mort de Mahsa Amini, étincelle qui a mis le feu aux poudres le 16 septembre dernier. "L'ennemi pensait qu'il pouvait atteindre ses objectifs dans les universités, ignorant le fait que nos étudiants et professeurs sont vigilants et ne permettront pas aux faux rêves de l'ennemi de se réaliser", a-t-il déclaré, selon un communiqué de la présidence.
Vendredi, les autorités avaient affirmé que la jeune femme de 22 ans était décédée des suites… d'une maladie. Un rapport médico-légal que le père de la jeune femme a contesté dans une interview à la chaîne de télévision Iran International : "J'ai vu de mes propres yeux que du sang avait coulé des oreilles et de la nuque de Mahsa", a-t-il assuré, tandis que plusieurs organisations non gouvernementales affirmaient qu'elle avait souffert d'une blessure à la tête durant sa détention. De la même manière, les autorités rejettent leur implication dans la mort d'adolescentes, comme Sarina Ismaïlzadeh ou Nika Shakarami.
Couper les liens
Depuis, les rassemblements, quotidiens dans presque toutes les provinces du pays, contre le règlement vestimentaire religieux et plus largement contre le régime théocratique, sont violemment réprimés. L’agence officielle Irna a confirmé des protestations dans différentes villes et rapporté la mort de deux membres des forces de sécurité, l’un à Téhéran, l’autre à Sanandaj, la capitale du Kurdistan.
Les manifestations de solidarité se sont également poursuivies à l'étranger. Mais l'activiste Masih Alinejad a déclaré, dans une interview à France 24 depuis les États-Unis où elle réside, attendre plus. "Nous, les femmes d'Iran, n'avons pas besoin que les Occidentaux se coupent les cheveux, nous voulons que les politiciens occidentaux coupent leurs liens avec la République islamique !" Jeudi dernier, les États-Unis avaient déjà annoncé avoir adopté de nouvelles sanctions contre sept hauts responsables iraniens, parmi lesquels le ministre de l'Intérieur.