Téhéran parle des “dizaines de milliers de détenus” dans le cadre de la contestation
L'amnistie annoncée par Ali Khamenei révèle, pour la première fois, l’ampleur de la répression du mouvement de contestation anti-régime.
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Publié le 06-02-2023 à 19h17 - Mis à jour le 06-02-2023 à 19h18
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Un vent de scepticisme et de confusion s’est levé suite à la promesse du guide de la Révolution islamique, l’ayatollah Ali Khamenei, d’une amnistie pour les “dizaines de milliers” de personnes arrêtées dans le cadre de la contestation. Des personnalités politiques et des activistes ont rejeté la proposition de pardon de la plus haute autorité d’Iran, voyant dans celle-ci le signe d’un régime aux abois tentant désespérément d’apaiser le mouvement de contestation massif qui s’est répandu à tout le pays depuis plus de quatre mois. La mort en détention, mi-septembre 2022 dans la capitale Téhéran, d’une étudiante de 22 ans arrêtée pour infraction au code vestimentaire a déclenché des manifestations de plus en plus hostiles au régime de la République islamique.
Dans son habituel décret de grâce, publié cette année à l’occasion du 44e anniversaire de la Révolution islamique, Ali Khamenei a promis “d’offrir l’amnistie et de réduire les peines de dizaines de milliers d’accusés et condamnés dans les récents incidents”, selon une dépêche de l’agence de presse gouvernementale Irna publiée en persan. Mais dans son élan de mansuétude, le guide semble surtout reconnaître, pour la première fois depuis le début des événements, l’ampleur de la répression qui s’est abattue sur le mouvement de contestation. Selon l’organisation Human Rights Activists in Iran (basée à Oslo), les forces de l’ordre ont arrêté 19 600 personnes ayant participé ou organisé les manifestations et 527 participants ont trouvé la mort au cours de ces événements, depuis le mois de septembre.
Une confusion bien entretenue
La publication d'un correctif par la même agence Irna suggère que les propos attribués au guide ont bel et bien semé la confusion au sein des cercles dirigeants. La nouvelle dépêche, publiée cette fois par le service anglophone d’Irna, reformule la déclaration en précisant que les grâces et les peines commuées concernaient “des dizaines de milliers de condamnés, y compris les personnes arrêtées lors des récentes émeutes en Iran”. Par ailleurs, les médias d’État ont publié une liste de mises en garde et d’exceptions à l’amnistie, en particulier pour les personnes ayant des liens à l’étranger ou accusées d’espionnage. Téhéran prétend que la contestation est le fruit d’une tentative de déstabilisation de l'Etat appuyée par des puissances étrangères.
L’intervention de deux anciens dirigeants du pays n’a fait qu’entretenir ce climat de confusion. L’ex-président de la République islamique Mohammad Khatami (1997-2005) et l’ex-Premier ministre Mir Hossein Moussavi (1981-1989), tous deux proches des factions réformistes, ont plaidé dimanche en faveur de réformes politiques à même de répondre à la contestation.
Compte tenu du “mécontentement généralisé”, Mohammad Khatami a dit souhaiter un recours à “des méthodes civiles non violentes” pour “forcer l’État à changer sa démarche et engager des réformes”. Il a ainsi appelé à des “élections libres et compétitives” devant suivre la libération des prisonniers politiques emprisonnés et assignés à résidence. Mir Hossein Moussavi, candidat malheureux à la présidentielle contestée de 2009, a lui appelé à un “changement fondamental” du système politique alors que celui-ci fait face à une “crise de légitimité”. Il propose la formation d’une assemblée constituante composée de “vrais représentants” et chargée de forger une nouvelle constitution.