Israël: le gouvernement Netanyahou fait machine arrière sur la réforme judiciaire
La pression s'était accentuée sur l'exécutif, à la faveur d'une grève générale, de démissions et de nouvelles manifestations d’ampleur.
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Publié le 27-03-2023 à 14h15 - Mis à jour le 27-03-2023 à 21h07
Le gouvernement israélien a décidé lundi de reporter l'examen du projet de réforme judiciaire controversé. Le Premier ministre Benjamin Netanyahou a annoncé en fin de journée une "pause" dans le processus législatif, précisant que celui-ci était reporté à la prochaine session parlementaire, qui s'ouvre à la mi-avril après les vacances de Pessah (la Pâque juive). "Quand il y a une possibilité d'empêcher une guerre civile par le dialogue, en tant que Premier ministre je fais une pause pour le dialogue", a déclaré M. Netanyahou dans un discours télévisé. "Je donne une vraie chance à un vrai dialogue [en signe] de ma volonté d'empêcher la division du peuple".
Peu avant, son ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, avait indiqué que la réforme était repoussée à l'été prochain. Le chef de la formation d’extrême droite Force juive (6 sièges à la Knesset) avait menacé le matin même de quitter la coalition si le projet était suspendu. Les deux dirigeants ont trouvé un terrain d'entente en fin de journée alors que la pression continuait de s'accentuer sur l'exécutif.
Le chef du gouvernement avait d'ailleurs lancé un appel à l'unité du pays face à l'hostilité grandissante suscitée par le projet de réforme de son gouvernement, qui vise à réduire les pouvoirs de la magistrature et divise comme rarement la société israélienne. "J'appelle tous les manifestants à Jérusalem, de droite comme de gauche, à agir de manière responsable et à ne pas recourir à la violence. Nous sommes frères", a-t-il tweeté lundi après-midi, dans l'attente d'une allocution. Objectif: éviter une confrontation entre les deux camps qui avaient décidé de se rassembler aux abords de la Knesset (parlement), à Jérusalem. Quelque 80 000 personnes hostiles au vote de la réforme s'y sont déployés dès l'après-midi alors qu'une première manifestation des partisans du gouvernement était attendue en début de soirée.
Une grève générale
Lundi soir, le syndicat Histadrout, le plus important du pays et véritable pilier de l’État, a mis fin à la grève générale immédiate qu’il avait décrétée le matin. Celle-ci avait notamment paralysé les vols au départ de l’aéroport international Ben Gourion de Tel-Aviv. “Nous avons pour mission d’arrêter le processus législatif et nous allons le faire”, a déclaré son patron Arnon Bar David.
L’Association médicale israélienne avait elle aussi décrété une grève générale devant affecter les hôpitaux et services médicaux publics. Plus tôt dans la matinée, le président Isaac Herzog a appelé le gouvernement à “arrêter immédiatement” le travail parlementaire sur cette réforme judiciaire “au nom de l’unité du peuple d’Israël”.
Benjamin Netanyahou avait brusquement limogé le ministre de la Défense Yoav Galant, dimanche, provoquant une nouvelle levée de boucliers dans l’opinion publique ainsi que dans la classe politique. Des centaines de milliers de personnes sont sorties spontanément, en soirée et dans la nuit, dans les rues de Tel-Aviv et de Jérusalem, pour manifester leur indignation face à l’intransigeance du chef du gouvernement. À la fois dans l’éviction sans ménagement d’une des figures de proue de l’exécutif – membre de son propre parti, le Likoud (droite) – que dans la réforme controversée de la justice qu’il maintient depuis quasiment trois mois malgré l’importante contestation populaire.
Samedi, le ministre Yoav Galant, un ancien commandant de l’armée israélienne, avait proposé la suspension du projet de loi judiciaire afin de “trouver un compromis”. Il avait justifié son appel en déclarant voir se développer dans ce contexte délétère les conditions d’une “menace claire, immédiate et tangible” pour la sécurité de l’État d’Israël. Cette réforme divise la société depuis le début de l’année et la crainte de voir les heurts avec la police dégénérer en affrontements entre partisans et opposants est sur toutes les lèvres.
”Un point critique”
C’est là que le projet de loi du gouvernement, sans doute le plus à droite qu’Israël ait connu, est à l’examen. Il vise à réformer la justice du pays, entre autres en réduisant les pouvoirs de la Cour suprême, la plus haute instance d’appel du pays, et en accroissant le poids de l’exécutif dans la nomination des juges (y compris ceux de la juridiction suprême). Il contiendrait en outre, selon ses détracteurs, les germes d’une possible mutation d’Israël en régime dictatorial.
Le limogeage du ministre de la Défense a provoqué depuis dimanche une vague de démissions. À l’image de celle du consul général d’Israël aux États-Unis, qui a dit ne plus pouvoir “continuer à représenter le gouvernement” après la décision “dangereuse” de Benjamin Netanyahou de limoger son ministre de la Défense. “La situation politique en Israël a atteint un point critique”, écrit Asaf Zamir dans sa lettre de démission. “Je pense que cette réforme sape les fondements mêmes de notre système démocratique et menace l’État de droit dans notre pays”, estime-t-il encore.