MBS veut tirer profit du retour de Damas
La solidarité arabe retrouvée au sommet de Djeddah entend contrer l’influence de l’Iran.
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Publié le 21-05-2023 à 21h25 - Mis à jour le 21-05-2023 à 19h30
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Pas de doute : la place centrale occupée par le prince héritier Mohammed ben Salmane sur la photo du sommet de la Ligue arabe qui s’est déroulé vendredi à Djeddah est révélatrice. Bien sûr, l’Arabie saoudite était l’hôte de la première réunion des chefs d’État arabes depuis 2010 comptant le président syrien Bachar al Assad. C’était également l’occasion pour le dirigeant de facto du Royaume wahhabite d’affirmer le rôle rassembleur qu’il a joué auprès de ses alliés sunnites du Golfe dans les retrouvailles avec la Syrie, onze ans et demi après la suspension de celle-ci de l’institution du Caire. Une manière aussi de montrer que MBS sera plus que jamais au centre du jeu régional dans les prochaines années.
En accueillant la Syrie à bras ouverts après avoir pris part à différents niveaux à sa déstabilisation, Riyad compte bien tirer profit de la solidarité retrouvée avec la Syrie. L'homme fort du Royaume et ses alliés régionaux espèrent en particulier infléchir la politique extérieure de Damas, dans le but de réduire l'influence iranienne dans ce pays. L'Arabie saoudite a beau s'être rabibochée le mois dernier avec l'Iran - ennemi séculaire - au terme de deux ans de négociations, cela ne signifie pas que leur rivalité historique soit reléguée aux oubliettes. Dans son discours devant la Ligue arabe, le président syrien a indiqué que "le passé, le présent et l'avenir du pays, c'est l'arabisme", sans même mentionner l'Iran, pourtant un allié depuis des décennies.
Danger ottoman
Semblant désigner la principale menace qui pèse désormais sur son pays, Bachar al Assad s'est déclaré préoccupé par le "danger de la pensée expansionniste ottomane". Une référence à peine voilée à la présence de troupes turques dans le nord de son pays. Il a décrit cette pensée comme étant pétrie de l'influence des Frères musulmans - un groupe islamiste indésirable de Damas à Abou Dabi. Cette menace pourrait ainsi fédérer les États arabes, alors que la région attend la semaine prochaine le résultat du second tour de l'élection présidentielle en Turquie, où l'actuel président Erdogan (issu des rangs fréristes) est toujours en lice.
MBS a souligné pour sa part que l'Arabie saoudite "ne permettrait pas que notre région se transforme en un champ de conflits", estimant que la page avait été tournée sur "des années douloureuses de lutte". Des propos qui évoquent ceux qu'il avait tenus au printemps 2021, alors que des discussions secrètes venaient d'être engagées en Irak avec la République islamique. "Tout ce que nous demandons est d'avoir des relations agréables et éminentes avec l'Iran. […] Nous voulons qu'elles soient porteuses de prospérité et de croissance dans la région et le monde entier", avait déclaré Mohammed ben Salmane dans un long entretien au réseau saoudien Al Arabiya, ajoutant que son pays travaillait avec ses partenaires du Moyen-Orient et l'ensemble du monde à "trouver une solution" aux "problèmes" que constituent les "comportements négatifs" de l'Iran.
Maintenant qu'une normalisation est à l'œuvre avec Téhéran, et que la réintégration de Damas peut favoriser "une solution politique au conflit" syrien, Mohammed ben Salmane peut se concentrer sur la future influence arabe en Syrie. Il s'inscrit d'ailleurs en droite ligne de son mentor, Mohammed ben Zayed, le président des Émirats arabes. MBZ se positionne depuis des années en faveur de la Syrie, son pays ayant été le premier à rouvrir une ambassade à Damas.
Cela passe entre autres par cet objectif à court et moyen termes : le positionnement avantageux des grands groupes saoudiens et émiriens de BTP sur le marché alléchant de la reconstruction de la Syrie en ruine. Selon l’Onu, le chantier syrien est évalué à près de 400 milliards de dollars…