Téhéran appréhende la reprise de la contestation un an après la mort de Mahsa Amini
L’approche du premier anniversaire du décès suspect en détention de cette étudiante rend nerveux le pouvoir iranien. D'autant que l'histoire semble se répéter.
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- Publié le 01-09-2023 à 12h10
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Arrestations de militants, mise à la retraite de professeurs ou d’intellectuels dissidents, pressions diverses sur les familles de jeunes femmes réfractaires au port du foulard… Les intimidations et la répression des autorités iraniennes s’est intensifiée à l’approche du premier anniversaire de la mort de Mahsa Amini, une jeune étudiante d’origine kurde arrêtée pour ne pas s’être conformée au port du hijab, ce foulard couvrant les cheveux des femmes, obligatoire dans l’espace public en Iran. Son décès suspect en détention, le 16 septembre 2022, avait déclenché d’énormes manifestations dans tout l'Iran, où l'on dénonçait la violence des autorités et réclamait la fin de cette obligation.
S’était alors levé un large mouvement de contestation de la République islamique, répondant au slogan Femme Vie Liberté (#WomanLifeLiberty), lequel avait déferlé sur tout le pays durant des mois. Sa répression avait provoqué des centaines de morts (dont des dizaines de membres des forces de l’ordre) et quelque 20 000 arrestations.
Nouveau décès en détention
À une quinzaine de jours de l’anniversaire, la mort d’un détenu annoncée par la justice iranienne ce mercredi 31 août, pourrait contribuer à raviver ces événements –pourtant encore bien vivaces– plus rapidement que prévu. Javad Rohi, un homme d’une trentaine d’années en attente d’un nouveau procès ordonné par la Cour suprême qui avait annulé sa condamnation à mort, est décédé à l’hôpital suite à une “crise d’épilepsie”. Il avait comparu en tant que meneur d’émeute dans les manifestations de l’an dernier et pour destruction et incendie de biens publics (ainsi que d’un Coran). L’activiste en exil Masih Alinejad n’a d’ailleurs pas tardé à mettre en correspondance ces deux décès survenus à quasiment à un an d'intervalle, en postant les photos des deux intéressés sur son compte X (ex-Twitter).
Signe parmi d’autres que les autorités cherchent à décourager une reprise du mouvement contestation à large échelle, la première audience du procès de Saleh Nikbakht, l’avocat de Mahsa Amini, s’est tenue ce mardi. Il est accusé de “propagande contre la République islamique” pour s’être entretenu avec des médias.
Lundi, la journaliste Nazila Maroufian a de nouveau été arrêtée – après avoir été battue- pour port non réglementaire du hijab. Elle avait indiqué en janvier avoir été condamnée à deux ans de prison avec un sursis pendant cinq ans pour “propagande contre le système” et “diffusion de fausses nouvelles”. Connue pour narguer le régime en publiant des photos où elle s’expose sans foulard à chaque sortie de prison, elle y retourne pour la quatrième fois en un an.
Le même jour, la police a arrêté un chanteur populaire ayant publié un clip vidéo invitant les femmes à enlever leur voile. Selon l’agence Mizan, la justice lui reproche d’avoir produit une “chanson illégale” et “contraire à la morale et aux coutumes de la société musulmane”.
Croisade anti-hijab
La mort de Mahsa Amini avait relancé une vague de “dévoilement” des femmes, surtout chez les plus jeunes, qui depuis des années se promenaient non couverte en rue ou menaient des performances qui les voyait retirer leur foulard, jeter ou piétiner celui-ci. Au risque d’être réprimandée ou arrêtée par la police des mœurs, voire agressée par quelque passant zélé.
Ces derniers mois, les autorités avaient déjà tenté de reprendre la main en menaçant de fermeture les commerçants et propriétaires d'établissements qui accueilleraient des femmes ne respectant pas la loi. Un nouveau texte légal visant à durcir les peines encourues serait en discussion à l’Assemblée islamique (parlement).
Mais au-delà des mesures répressives mises en place par les autorités, ce qui frappe après un an d’une croisade anti-hijab sans précédent dans la population, c’est une certaine désinvolture, une culture de la distance qui s’installe à l’égard du foulard, qui parfois semble tourner en dérision l’obligation légale. Comme cette cinéaste qui, pour pouvoir s’installer dans un restaurant et à défaut de disposer d’un foulard, s’est couvert la tête avec un sac de courses…
Les Iraniennes et les Iraniens qui voudraient parvenir à la levée de l’obligation du hijab demandent surtout le droit fondamental de pouvoir choisir en toute liberté leur tenue vestimentaire.