Un duel inopiné, et politique, à la présidence de la Cour suprême d’Israël sème le trouble dans une institution déjà fragilisée
Un juge a postulé pour ce poste dévolu d’ordinaire au doyen de la plus haute juridiction du pays, dont le pouvoir est menacé par la réforme judiciaire du gouvernement.
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- Publié le 05-09-2023 à 22h02
- Mis à jour le 06-09-2023 à 08h41
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La candidature inattendue d’un juge de la Cour suprême à la présidence de celle-ci pourrait bien fragiliser davantage cette institution, visée par une réforme judiciaire qui ambitionne de réduire son pouvoir. Le juge Yosef Elron a postulé la semaine dernière pour présider la plus haute juridiction d’Israël, à rebours de la règle coutumière qui stipule que la présidence revient au magistrat le plus âgé lorsque le titulaire de la fonction atteint la limite d’âge légale. Le prochain passage de témoin aura donc lieu le 16 octobre, septantième anniversaire de la présidente Esther Hayot, logiquement en faveur de son vice-président, le juge Isaac Amit. Cette initiative inhabituelle, qui semble découler d’une vieille rivalité personnelle entre les deux magistrats, est pourtant susceptible de faire les affaires du gouvernement.
Après son retour au pouvoir fin décembre 2022, le Premier ministre Benjamin Netanyahou et son ministre de la Justice Yariv Levin ont mis chantier la réforme du pouvoir judiciaire, qui passe notamment par un “rééquilibrage” du pouvoir de la Cour suprême. Cette institution de quinze juges, qui contrôle la constitutionnalité des lois et la conformité de l’action gouvernementale (parfois à son détriment), pourrait se voir dessaisie de certaines de ses prérogatives actuelles. L’exécutif gagnerait, pour sa part, en influence directe et indirecte dans le processus de nomination des juges – dont ceux de la Cour suprême sur laquelle il accentuerait son contrôle politique. C’était sans compter la levée de bouclier de centaines de milliers d’Israéliens, qui descendent dans la rue toutes les semaines depuis presque huit mois pour défendre la démocratie israélienne face au danger que cette réforme constitue pour l’état de droit et le principe de séparation des pouvoirs.
Le jeu du gouvernement
C’est justement ce qui est en jeu pour le moment. Après des mois de sursaut populaire et d’appels au retrait du projet de la part d’acteurs et institutions internationales, après une pause de quelques semaines du processus législatif au moment de la Pâques juive, les députés de la majorité à la Knesset ont adopté fin juillet une première loi issue du projet – que le gouvernement a saucissonné dans l’incapacité de le voter en bloc. C’est ce premier paquet, dit clause de “raisonnabilité” (qui retire à la Cour le pouvoir d’invalider une décision du gouvernement jugée déraisonnable), sur lequel la Cour doit se prononcer à la mi-septembre. Vu sa composition actuelle, elle semble en mesure de retoquer ce premier texte.
C’est là qu’intervient la candidature de Yosef Elron, que le ministre de la Justice ne peut ignorer en sa qualité de président de la commission de nomination des juges. En brocardant les règles de nomination établies, le juge Elron est accusé de faire le jeu du gouvernement quant à la nécessité de revoir les règles de sélection des juges en Israël. Le second amendement issu de la réforme prévoit en effet que le comité de nomination passe de neuf membres (deux juges de la Cour suprême, deux députés de la Knesset, deux ministres du gouvernement et deux avocats de l’Association des barreaux) à onze, afin d’y accroître le poids du politique. En attendant, alors que nombre de postes sont à pourvoir dans les tribunaux du pays, le ministre Levin n’est pas pressé de le réunir…