La République islamique sur le pied de guerre pour l’anniversaire de la mort de Mahsa Amini
Il y a un an jour pour jour ce samedi qu’a débuté une contestation d’une ampleur inédite. L'événement pourrait refaire sortir les Iraniens dans la rue.
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- Publié le 16-09-2023 à 07h18
- Mis à jour le 17-09-2023 à 11h57
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Mahsa Amini n’aura jamais 22 ans. Pourtant, son nom se lit encore sur toutes les lèvres. Depuis un an, cette jeune Iranienne est devenue le pire cauchemar des autorités alors que l’anniversaire de sa mort pourrait raviver le puissant mouvement de contestation qui a fait trembler, comme jamais auparavant en quarante-quatre ans d’histoire, la République islamique sur ses fondations. Le 16 septembre 2022, cette étudiante originaire de la province du Kurdistan décède en détention suite à une crise cardiaque. Elle avait fait l’objet d’une arrestation trois jours plus tôt pour tenue vestimentaire non réglementaire, soit un hidjab mal porté. Mais les circonstances de sa mort et des traces retrouvées sur son corps vont éveiller des soupçons de mauvais traitements et déclencher des manifestations d’indignation à travers tout le pays. Celles-ci vont très vite se muer en mouvement de contestation du régime.
Preuve de la puissance évocatrice de son nom, le président Ebrahim Raïssi a mis en garde ce mardi “ceux qui entendent abuser du nom de Madame Amini” afin de “créer l’instabilité dans le pays”, assurant qu’ils paieront “un coût élevé”. Les autorités ont renforcé les dispositifs policiers dans certains endroits “stratégiques” comme Sadeq, la ville natale de Mahsa Amini, et procédé à des arrestations préventives pour tenter d’éviter toute reprise de ce mouvement. Les mesures répressives mises en place pour juguler les manifestations et les actions de désobéissance civile ont causé depuis un an la mort de cinq cents personnes (civils et forces de l’ordre inclus) et quelque vingt mille arrestations.
Il est très probable que les rues d’Iran résonnent encore du slogan Zan, Zendegi, Azadi (Femme, Vie, Liberté, en persan), devenu le cri de ralliement de foules, de femmes tout d’abord, de plus en plus nombreuses à revendiquer la fin de la ségrégation de genre instituée par la République islamique. Le hidjab, symbole de l’identité islamique du régime depuis ses débuts, est devenu en quelques années, et plus encore depuis un an, l’étendard du plus important mouvement de contestation de ce régime. En effet, la mobilisation populaire se situe au croisement d’un combat féministe, revendiquant le droit de choisir la manière de s’habiller sans contrainte et la fin de la discrimination à leur égard, et d’une contestation du régime qui a installé et continue de maintenir cette ségrégation. Symbole supplémentaire, le premier anniversaire de la mort de cette étudiante coïncide avec le quarantième du port obligatoire du hidjab.
Le voile sans contrainte
Si jusqu’ici, le mouvement n’a pas réussi à glaner de nouveaux droits pour les femmes, certaines évolutions sont notables comme la régression de la peur. Malgré l’intensification de la répression, les Iraniennes – souvent très jeunes- sont de plus en plus nombreuses à braver le port réglementaire du voile dans l’espace public. Et même les voix bâillonnées se font entendre. La militante Narges Mohammadi, bien connue pour son combat en faveur des droits de l’homme, a salué cette semaine depuis sa prison de Téhéran le rôle “déterminant” joué par les femmes en raison de décennies “de discriminations et d’oppression” dans leur vie publique et personnelle. Le mouvement de contestation populaire a “accéléré le processus de démocratie, de liberté et d’égalité”, qui est désormais “irréversible”, affirme-t-elle en réponse à une série de questions transmises par la presse française.
Consciente que son avenir est en jeu, la République islamique est en ce moment en train de renforcer son arsenal législatif pour faire respecter les lois existantes. Mais cette évolution ne se fait pas sans susciter des divisions au sein même du pouvoir. Le grand ayatollah Nasser Makarem Chirazi, l’un des plus influents dignitaires chiites, a ainsi rejeté le recours à la violence et à la contrainte pour faire respecter le port du voile…