Non, les Belges ne mangent pas l’équivalent d’une carte bancaire par semaine
Depuis 2019, une "info" virale assure que chaque Belge avale 5 grammes de microplastiques par semaine, soit l’équivalent d’une carte bancaire.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/70bb1a17-0ccf-40d5-a5f5-2d078d3af5ce.png)
Publié le 31-03-2023 à 13h55 - Mis à jour le 31-03-2023 à 14h07
:focal(745x505:755x495)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/CZZHIYHPJ5GUHA4MHDSVFU6YPU.png)
Un article publié jeudi sur le site du Soir et de So Soir affirme que “les Belges mangent l’équivalent d’une carte bancaire par semaine”. “Il est important de savoir que nous consommons l’équivalent d’une carte bancaire par semaine, soit 5 g de microplastiques, que l’on retrouve notamment dans nos déchets”, peut-on lire dans la publication en ligne, qui s'appuie sur les résultats d’une enquête de l’ONG belge River Cleanup.
Cette affirmation circule depuis 2019. On la retrouve très fréquemment dans des articles de presse traitant des microplastiques (ici, ici, ici ou même sur La Libre). Pourtant, l’information n’est pas tout à fait exacte et a déjà fait l’objet de plusieurs débunkages (ici, ici ou ici). Explications.
Résultats exagérés
Le chiffre est tiré d’un rapport commandé par WWF – Fonds mondial pour la nature - en juin 2019, présentant les résultats d’une étude, non publiée à l’époque, de l’Université de Newcastle (Australie). “L’étude révèle que la consommation d’aliments et de boissons courants peut entraîner une ingestion hebdomadaire d’environ 5 grammes de plastique, en fonction des habitudes de consommation”, assure ledit rapport.
Ce n’est toutefois pas exactement la conclusion des chercheurs de l’Université de Newcastle dans la version de l’étude publiée en octobre 2020 dans la revue Journal of Hazardous Materials. Les chercheurs y estiment en effet qu’au niveau mondial, en moyenne, les humains pourraient potentiellement ingérer “de 0,1 à 5 g de microplastiques par semaine”, en fonction de leur régime alimentaire. Les 5 grammes de microplastiques représentent donc la limite supérieure de la fourchette, 50 fois plus importante que la limite inférieure, fixée à 0,1 g.
Cet écart significatif est dû au manque de données disponibles à l’époque. Les chercheurs expliquent que leur étude fournit une “estimation préliminaire” mais que faute de données suffisantes, ils n’ont pris en compte que certains aliments pour leur estimation (les fruits de mer, la bière, les sels de table et l’eau potable), ce qui est bien loin de représenter un régime alimentaire complet.
Moins d’un grain de sel
Des scientifiques de l’Université de Wageningen (Pays-Bas) se sont également penchés sur la question. Selon leur étude, publiée en mars 2021 dans la revue Environmental Science&Technology, nous ingérons en moyenne 0,0041 mg de microplastiques en une semaine, soit moins d’un grain de sel.
“Les chercheurs ont calculé la consommation de microplastiques pour les enfants et les adultes”, peut-on lire dans le communiqué de presse de l’Université de Wageningen. “Ils montrent que la majorité de la population mondiale absorbe 0,0041 mg de microplastiques par semaine, ce qui se base sur 20 % d’un régime alimentaire humain moyen. Pour une petite minorité de 1 personne sur 20, ce chiffre peut atteindre 676 mg de microplastiques par semaine, en fonction des habitudes alimentaires et des concentrations de microplastiques présentes dans les produits alimentaires”.

Comme le montre le graphique ci-dessus, publié dans le communiqué, la majorité de la population serait donc bien loin d’avaler l’équivalent d’une carte bancaire par semaine. La quantité de plastique ingérée au cours de notre vie entière serait quant à elle d’approximativement 12,3 mg… soit le poids d’une carte bancaire en métal. Seule une fraction (41 ng) de cette quantité serait absorbée par l’organisme, notent toutefois les chercheurs.
Un danger pour la santé publique
Néanmoins, même si les Belges n’ingurgitent pas l’équivalent d’une carte bancaire par semaine, les microplastiques représentent un danger pour la santé publique. “Les matières plastiques contiennent de nombreuses substances chimiques, qui peuvent s’avérer nocives pour la santé humaine et animale. En effet, certaines substances chimiques ont des effets de perturbateurs endocriniens. On aurait d’ailleurs déjà trouvé des microplastiques dans les excréments, les poumons et le sang humain”, rappelle le SPF Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement. “Leurs impacts doivent encore faire l’objet d’études approfondies. C’est pourquoi les réponses à la problématique des plastiques et microplastiques doivent intégrer les dimensions santé et environnement.”

Avec “La Source”, La Libre Belgique se lance dans le fact checking. Cette rubrique a pour objectif d’analyser, décortiquer, recontextualiser et vérifier des faits liés à l’actualité. Comme l’indique la notion même de “fact checking”, la démarche repose exclusivement et systématiquement sur une analyse factuelle, la collecte de sources vérifiables, identifiables et objectivables, citées et référencées dans chacun de nos articles.
Libre au lecteur qui le désire de refaire, à son tour, ce travail journalistique sur base des informations communiquées, et de nous signaler d’éventuelles erreurs ou imprécisions via l’adresse factchecking@lalibre.be