Ces vidéos ne prouvent pas que les feux de forêt qui ravagent le Canada ont été provoqués par le gouvernement
Accumulant plusieurs millions de vues sur les réseaux sociaux, des vidéos sont partagée en ligne dans le but d'accuser le gouvernement canadien de provoquer des feux de forêts.
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- Publié le 09-06-2023 à 10h07
- Mis à jour le 09-06-2023 à 17h40
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Depuis le mois de mai, le Canada fait actuellement face à un nombre très élevé de feux de forêt (431 actifs à la date du 8 juin, selon le Centre Interservices des Feux de Forêts du Canada) qui ont déjà détruit plus de 5,1 millions d’hectares cette année (soit la superficie de la Bosnie ou du Costa Rica).
Sur les réseaux sociaux, des internautes ont été nombreux à partager des vidéos montrant des hélicoptères qui semblent mettre le feu à une forêt, assurant ou sous entendant que les incendies qui touchent le Canada en ce moment seraient volontairement lancés par le gouvernement (ici ou ici). Si ces vidéos montrent bel et bien des départs volontaires d’incendies, les vidéos sont sorties de leurs contextes et mal interprétées. Il s’agit en réalité de brûlages dirigés et, comme l’ont déjà expliqué plusieurs médias, certaines de ces vidéos n’ont pas été tournées au Canada (ici ou ici par le passé).
Des brûlages dirigés ?
Si mettre le feu à des zones qui ne sont pas encore touchées lorsqu’un incendie se déclare paraît contre-nature, il s’agit d’une technique très répandue. Elle est par exemple également utilisée par les pompiers dans le parc national du Yosemite, en Californie. À l’instar du Canada, l’ouest des États-Unis est chaque année touché par de nombreux feux de forêts.
”Un brûlage dirigé est un feu allumé intentionnellement, planifié et géré par des spécialistes, dans le respect de conditions précises et suivant les procédures nécessaires pour obtenir le résultat voulu en toute sécurité”, explique Parcs Canada, l’agence qui s’occupe du patrimoine naturel et culturel du Canada. Sur son site, Parc Canada explique que les brûlages dirigés “contribuent à réintroduire le feu dans le paysage, à rétablir la santé des forêts et des prairies, à améliorer l’habitat de la faune et à réduire le risque d’incendie pour nos collectivités”. Concrètement, cette technique peut être utilisée avant que les feux de forêt ne se déclarent ou après les départs d’incendies. Elle permet, en éliminant toute matière combustible, de créer des zones de pare-feu.
Les autorités planifient en amont ces brûlages dirigés pour qu’ils ne deviennent pas incontrôlables. “Les spécialistes des feux se servent de routes, de sentiers et d’obstacles naturels, par exemple les rivières, les falaises, les pentes avalancheuses et les brûlis récents, pour contrôler l’étendue du feu. Pour s’assurer que ce dernier ne se propagera pas hors du secteur visé, il peut arriver qu’on abatte des arbres et qu’on arrache des arbustes pour renforcer les obstacles existants”, explique Parcs Canada. Contactée par Radio Canada, la Société de protection des forêts (SOPFEU) a affirmé que des brûlages dirigés étaient rarement utilisés au Québec, la région contenant des milliers de lacs et rivières.
Une technique risquée
Notons toutefois que l’utilisation de brûlages dirigés ne fait pas l’unanimité et comporte son lot de désavantage : conséquences sur la qualité de l’air, danger pour les pompiers, risque d’échapper à la prescription de brûlage et de se transformer en feu de forêt, peut favoriser l’expansion d’espèces envahissantes, etc.
Randy Moore, chef du service forestier des États-Unis, déclarait l’année dernière que le changement climatique rendait cette technique plus dangereuse. “Malheureusement, les effets du changement climatique réduisent les fenêtres où cet outil peut être utilisé en toute sécurité”, déplorait-il, indiquant toutefois que les brûlages dirigés devaient rester “un outil dans notre boîte à outils”.
Selon les données publiées par le Centre Interservices des Feux de Forêts du Canada (CIFFC), aucun brûlage n’était en cours sur le territoire canadien en date du 9 juin 2023. Sur la totalité de l’année dernière, le rapport du CIFFC déclare 45 incendies de ce type, brûlant une superficie de 7 880 hectares. Cela représente 0,48 % de la totalité de la superficie partie en fumée en 2022. Le rapport précise qu'en 2022, environ 50% des feux de forêts étaient d'origine naturelle (orages, etc), tandis que l'autre moitié était d'origine humaine (accidentelle ou criminelle).