Météo : "C’est assez rare d’avoir des vagues de chaleur officielle qui démarrent avant la mi-juin"
Depuis la semaine dernière, le soleil brille et le mercure monte en Belgique. Ces températures sont-elles au-dessus des normales de saisons ? Peut-on déjà parler de vague de chaleur ?
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- Publié le 12-06-2023 à 15h11
- Mis à jour le 12-06-2023 à 17h49
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“L‘été arrive. Ce sont des températures plutôt de saison, non ?”, s’interrogeait un internaute lorsque le météorologue David Dehenauw annonçait sur Twitter que 30,2 °C avaient été observés à Uccle le samedi 10 juin. “Le 18 juin 2022, mon fils s’est marié et il a fait beaucoup plus chaud encore”, commentait une autre personne.
Alors, 30 °C aux alentours du 10 et 11 juin, c’est normal ou non ? “Clairement, on est largement au-dessus des normales de saison, clarifie d’emblée Pascal Mormal, météorologue à l’IRM, qui poursuit : “Pour les 10, 11 et 12 juin, on tourne plutôt autour des 20 à 21 degrés pour les maxima. Ici, on est quasiment 10 degrés au-dessus des normales de saisons, ce qui est assez considérable”.
Les normales dépassées
Les normales sont des valeurs moyennes pour une période définie, calculées sur une période de 30 ans. Pour la station de référence d’Uccle, les dernières normales disponibles couvrent la période de 1991 à 2020. “Le paramètre qui est le plus intéressant par rapport à ça, c’est évidemment la température moyenne. Si on regarde les normales saisonnières, c’est très frappant. Ça se passe presque de commentaires”, commente le météorologue.
Pour la période estivale, qui couvre les mois de juin à août, la température moyenne des normales saisonnières était de 17,9 °C entre 1991 et 2020. “Si vous les comparez avec les normales que l’on utilisait il y a 30 ans, qui couvraient la période 1961 à 1990 à l’époque, on était seulement à une température moyenne de 16,6 °C”. Une augmentation de 1,3 °C en température moyenne, jugée “tout à fait considérable” par notre interlocuteur.
Outre les températures, ce sont également les précipitations qui sont hors des normales de saisons. “On est confronté à une très longue séquence sèche en Belgique”, remarque notre interlocuteur. Malgré des orages localisés ces derniers jours, la station de référence d’Uccle n’a enregistré aucune précipitation – moins de 0,1 mm de pluie – depuis le 16 mai, soit 28 jours. “Ça nous approche des anecdotes des plus longues séquences sèches pour la station de référence d’Uccle”, ajoute-t-il, précisant qu’il s’agit de la quatrième plus longue depuis 1892. “Cela montre aussi que cette séquence sèche se combine à nouveau malheureusement à des températures très très élevées et que l’on n’avait pas trop anticipées dans les modèles”.
Première vague de chaleur de l’année ?
Peut-on pour autant déjà parler de vague de chaleur ou de canicule ? Selon les critères définis par l’IRM, on parle d’une vague de chaleur climatique nationale lorsque les maxima à Uccle atteignent au moins 25,0 °C durant au moins cinq jours consécutifs, parmi lesquels le seuil des 30,0 °C est atteint durant au moins trois jours. Le terme “canicule” ne désigne quant à lui qu’une période de forte chaleur. “Ça dépend un peu des pays”, note toutefois Pascal Mormal. Chez nos voisins français, par exemple, les paramètres qui rentrent en compte sont différents.
Depuis le 8 juin, les températures maximales observées à la station météorologique d’Uccle dépassent les 25 °C, avec un pic à 31,2 °C enregistré ce dimanche. “Nous venons de franchir la barre des 30°C à Uccle avec 30,06°C à 17h30. Le critère de vague de chaleur est donc officiellement atteint", précise-t-il.
Et les mauvaises nouvelles ne s’arrêtent pas là, puisque la vague de chaleur pourrait encore durer plusieurs jours. Malgré une atténuation attendue au cours de la semaine, l’IRM prévoit une remontée des températures pour le week-end prochain. “Elles pourraient franchir le seuil des 30 degrés, ce qui veut dire que même si l’on retombe à 25, la séquence ne sera pas terminée. Elle ne sera terminée officiellement que le jour où l’on repassera les 25 degrés”, précise notre interlocuteur.
De plus en plus tôt
“C’est assez rare d’avoir des vagues de chaleur officielle qui démarrent avant la mi-juin. En général, c’est une situation que l’on va rencontrer durant le plein été, c’est-à-dire en juillet et en août”, souligne Pascal Mormal. En effet, si des vagues de chaleur avaient déjà débuté plus tôt dans l’année, dont la plus précoce pendant la première quinzaine du mois de mai 1998, cela reste un fait assez rare. Selon les données de l’IRM, 46 vagues de chaleur répondant aux critères de l’IRM ont été enregistrées en Belgique depuis 1892. “Ici, ce serait la troisième la plus précoce a priori, puisqu’en 2006, on avait démarré le 9 juin, contre le 8 cette fois”, commente le météorologue. “C’est vraiment emblématique de ce que l’on est en train de vivre depuis quelques années”, estime-t-il.
Notons également que sur la totalité des vagues de chaleurs observées en Belgique depuis 1892, plus de la moitié s’est produite au cours des 30 dernières années. Selon les données du site fédéral belge climat.be, leur durée et leur intensité augmenteraient aussi, avec respectivement deux jours et 1 °C/jour en plus par décennie.
Enfin, l’évolution des températures belges est à remettre dans le cadre mondial. Ce 9 juin, c’est la première fois que la température moyenne de la terre atteignait les 16,77 °C, soit une anomalie de 0,9 °C par rapport aux normales entre 1979 et 2000.
”C'est une inquiétude aussi : les mesures à l’échelle du globe sont particulièrement chaudes ces dernières semaines”, comment Pascal Mormal, qui rappelle que la formation du phénomène météorologique El Nino, qui se caractérise par la diminution de la différence de température entre les eaux de l’est et de l’ouest de l’océan Pacifique, risque également d’influer sur les températures globales. “Pour la Belgique, les conséquences sont très limitées. Les effets les plus importants se feront probablement ressentir à la fin de cette année et l’année prochaine”, conclut-il. “Il faudra surveiller 2024 qui risque d’être une année particulièrement chaude à l’échelle du globe.”