La fritillaire, couronne impériale ou pintade sauvageonne ?
En fleurs au printemps en même temps que la plupart des bulbes, la fritillaire se décline en plusieurs versions bien différentes.
Publié le 27-03-2022 à 13h39
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Les narcisses et les tulipes sonnent l'arrivée du printemps ; avec eux, quelques clochettes moins connues à admirer dans les jardins. Les unes, Fritillaria imperialis sont des plus sophistiquées alors que les autres, Fritillaria meleagris, ne manquent pas de naturel. Leur style est tellement opposé, qu'il est incroyable que ces bulbes appartiennent à la même famille des Liliacées. Peu plantées, il y a des fritillaires pour tous les goûts, tous les sols et toutes les expositions.
Une pintade ?
Vous avez dit "œil de pintade", "œuf ou fleur de vanneau", "kievitsbloem" ? Ce sont tous les sobriquets de la petite fritillaire méléagre, ne dépassant pas 30 cm de haut. Présente dans presque toute l’Europe, en fleurs en avril, lors du retour de migration des vanneaux, elle apprécie le même biotope que lui, des lits de rivière et des prairies humides ou inondables. Ses fleurs pourpres, lie de vin, à petits pois blancs ou rose délavé, ressemblent au plumage de la pintade et lorsqu’elles sont fermées, à un œuf de vanneau. Quand on les regarde de près, elles laissent entrevoir un curieux damier, raison pour laquelle en Allemagne, elles sont appelées "Schachbrettblumen", fleurs d’échecs. Quelques clochettes sont parfois blanches, immaculées. Leurs fines feuilles enrubannées, vert bleuté, se confondent aisément avec l’herbe dans laquelle elles poussent à l’état sauvage.
Dans les jardins, rien de tel qu’une prairie humide, ni trop lourde, ni trop marécageuse, en compagnie de cardamines et renoncules. Plutôt un sol léger et drainé, mais quand même humide, ce qui n’est pas toujours facile à obtenir. Cela dit, lorsque l’amateur de jardins découvre pour la première fois la prairie fleurie de Christopher Lloyd, dans la mythique propriété de Great Dixter, dans le Sussex anglais, il ne peut que succomber. Plantées en masse dans le pré, au milieu d’autres bulbes printaniers, les fritillaires font le show. L’effet est saisissant et surtout charmant, tant il y a de la grâce et de la légèreté. Chacun revient chez soi avec l’idée de reproduire la fameuse scène au plus vite.
Certains disent la Fritillaria meleagris plutôt capricieuse car elle ne fleurit pas toujours la première année. Tout vient à point à qui sait attendre. Au début, une seule fleur apparaît sur la tige, puis après quelques printemps, deux, trois, parfois 4 quand on a de la chance. Et lorsqu'elle se plaît, elle se ressème allègrement.
Une impératrice ?
Un peu surfaite ou arrogante, la Fritillaria imperialis, cette orientale originaire de pays chauds tels l'Iran, l'Afghanistan ou la Turquie ? Arrivée dans nos pays il y a plus de 400 ans, plantée et acclimatée par Charles de L'Ecluse au jardin botanique de Leyde, elle a toujours tenu haute, sa réputation. Inspirés par la merveille, des peintres comme Brueghel ou Van Gogh ne s'y sont pas trompés. Aujourd'hui, elle fait toujours la réputation de l'Hortus Bulborum de Limmen, aux Pays-Bas, qui détient une énorme collection de bulbes à fleurs historiques.
On ne lui trouve aucune ressemblance avec sa cousine. D’abord un port altier, environ 1m de haut, - le plus grand bulbe du printemps -, puis des fleurs de 5 à 6 clochettes renversées, suspendues au sommet d’une tige surmontée d’un charmant toupet de bractées vertes, la couronne impériale. Les couleurs sont tout autres. Vives en tout cas, elles déclinent en avril, le jaune fluo, l’orange pétaradant ou le rouge brique. Quant aux feuilles, étroites et longues sur la première partie de la tige, elles ne cachent pas les fleurs et ne rivalisent pas avec elles.
Vu ses origines, elle ne supporte pas l’humidité stagnante, exige chaleur et plein soleil ainsi qu’un sol extrêmement bien drainé. Raison pour laquelle elle apprécie particulièrement les rocailles, les sols sableux ou le calcaire. On lui reconnaît généralement un petit défaut, voire une vraie qualité : une odeur peu ragoûtante de vieux renard, "the foxy smell", voire de fauve, qui repousserait certains rongeurs comme les taupes, campagnols ou mulots. Un effet répulsif intéressant mais seulement dans une zone limitée autour du bulbe et non pas à 10 km à la ronde.
Une belle persane…
La fritillaire de Perse, Fritillaria persica, plus précisément du sud-est de la Turquie et de l'Iran, attire tous les regards. Sans doute grâce à sa couleur inhabituelle, foncée, presque noire avec un brin de violacé voire de prune. Son look diffère également. En avril, mai, apparaissent des longs épis de 7 à 20 petites clochettes pendantes réparties par étages tout au long de la tige qui s'élève à 80 cm de haut.
Surtout commercialisée sous sa forme ‘Adiyaman’que l’on trouve à l’état sauvage, elle a besoin de chaleur pour fleurir, une situation abritée, par exemple le pied d’un mur exposé au sud ou une rocaille. Le détail est important car si la chaleur estivale fait défaut, la floraison suivante ne sera pas garantie. Comme gage de réussite, il lui faut aussi un sol parfaitement drainé. Dans les meilleures conditions, elle se mariera parfaitement grâce à son feuillage glauque, aux ails d’ornement, Nepeta ou autres lavandes. Pour les collectionneurs amateurs de rocaille, d’autres espèces peuvent être dénichées chez des pépiniéristes spécialisés. Chez Koen Van Poucke à Sint-Niklaas, notamment F. pallidiflora aux fleurs jaune pâle et thunbergii aux fleurs blanc crème piquetées de rouge à l’intérieur.
Bulbes pour toutes
Les fritillaires ont cette capacité de stocker des réserves de nourriture dans des bulbes souterrains. Ils sont plantés après l’été à une profondeur de 20 cm pour les impériales et les persanes et de 10 cm pour les pintades. Attention aux limaces, souvent à l’affût des premières jeunes pousses. Après la floraison mellifère, il est bon de les laisser se faner jusqu’au jaunissement des feuilles ; le bulbe s’étant régénéré, on pourra les couper. Si les bulbes poussent dans le pré, il est utile de retarder la tonte jusqu’en juin. Attention, il faut absolument éviter les déménagements intempestifs, le bulbe détestant être déplacé ; il doit rester en place pendant plusieurs années.
Hortus Bulborum de Limmen. Ouvert du 1er avril au 16 mai ; https://hortus-bulborum.nl Koen Van Poucke à Sint-Niklaas. www.koenvanpoucke.be