Le caviar, trésor de la mer Caspienne
Importé de Russie ou d'Iran, ce mets précieux nécessite mille et une précautions. Délicatesse et rapidité sont les clés des méthodes archaïques qui président à son conditionnement. De l'esturgeon aux étals belges, petit tour en coulisses.
- Publié le 27-12-2000 à 00h00
Mets précieux et délicat qui enchante les tables de fête, le caviar est riche d'une tradition qui remonte à la nuit des temps. Mais que cache le mythe? Petit détour par l'envers du décor.
D'un point de vue géologique, l'esturgeon est l'un des plus anciens poissons puisque sa trace remonte à 30 millions d'années. Son ossature complète, qui remplace les arêtes, rappelle la forme originelle des premiers poissons. Actuellement, il est pêché dans la mer Caspienne, un endroit qui se pollue à vue d'oeil, surtout du côté russe. Sa population est en constante diminution à cause du braconnage et d'une surpêche qui empêchent une reproduction normale. Seul l'Iran verse régulièrement des millions de bébés esturgeons dans la mer. Et depuis 1998, la Cites (Convention sur le commerce international des espèces menacées de faune et de flore sauvages) veille à la protection des jeunes esturgeons. Quand on sait que douze années sont nécessaires avant d'obtenir du caviar
Les saisons de prise maximale sont le printemps et l'automne. En Russie, la pêche se fait essentiellement en chalutiers au large de l'estuaire de la Volga remonté par les poissons. En Iran, les pêcheurs se déplacent en pleine mer où l'usage des chaluts est interdit. La méthode y est ancestrale: à bord d'embarcations en bois, les pêcheurs disposent des kilomètres de filets dormant perpendiculairement au rivage. Pour exercer ce métier, une formation de deux années est exigée par le ministère de l'Agriculture.
DÉLICATESSE ET RAPIDITÉ
Une fois le poisson pêché, il est ramené vivant dans les six heures qui suivent. Il est alors immédiatement lavé à grande eau. Délicatesse et rapidité sont les clés de son traitement manuel. Entre l'entaillage du poisson et l'empaquetage, il ne peut s'écouler plus de vingt minutes. Contrairement au saumon, l'esturgeon femelle doit être tué pour que soient extraits de son ventre les oeufs. Jamais on ne mélange les oeufs de deux poissons différents. Après avoir été pesés, les oeufs sont passés dans un tamis, ce qui permet de les calibrer, de 2 à 4 mm. Puis le caviar est à nouveau lavé et égoutté. Sa fermeté, sa grosseur et sa couleur sont alors soigneusement examinées. Pour le conserver, on ajoute 3 à 4 pc de sel pur selon un dosage qui peut varier d'après la demande du pays importateur. Il est ensuite conditionné sous vide en boîte de 1,8 kg selon un procédé archaïque. Pour l'exportation, trois boîtes sont regroupées dans un sac de lin, et quatre sacs sont placés dans une petite caisse en bois marquée et scellée. Mis en boîte le jour de sa pêche, il est considéré comme frais pendant un an. Mais une chaîne du froid très stricte (entre -2°C à -3°C) devra être respectée tout au long de l'acheminement.
DE RUSSIE ET D'IRAN
En Russie, à côté de la société respectée Petrossian, la contrebande profite de la désorganisation du pays depuis la chute de l'URSS. Les prix pratiqués par ces marchés parallèles sont tentants, mais ceux-ci n'offrent aucune garantie de fraîcheur ni de qualité. En Iran, n'existe qu'un seul organisme: la Shilat Trading Corporation. L'importateur de caviar iranien doit respecter des règles draconiennes d'hygiène, d'industrialisation, d'expérience et de confiance. Sans compter qu'il doit importer au moins cinq tonnes par an. Ils sont donc peu nombreux à appartenir à cette corporation très secrète.
L'Iran ne traite qu'avec un seul importateur par pays. Un contrat annuel est ainsi attribué par soumission: telle firme propose tel prix, en fonction duquel les Iraniens décident quelle quantité ils vont attribuer. La firme qui obtient le marché est donc amenée à revendre une partie de ses importations à ses concurrents, tout en sachant que l'année suivante, c'est peut-être l'autre qui recevra la précieuse denrée.
Produit vivant, le caviar demande beaucoup d'attention. Pour le déguster, préférez des cuillers en nacre plutôt que celles en argent, qui altèrent son goût. Ne le mangez pas trop froid, il perdrait de son arôme. Savourez- le en toute simplicité: avec du pain grillé et du beurre, ou sur une pomme de terre, accompagné de champagne brut ou de vodka russe non parfumée et bien glacée. Très nourrissant, 30 à 100 g par personne suffisent. Riche en vitamines, protéines, sels minéraux et oligo-éléments, il ne contient que 270 calories par 100 g. Outre ses prétendues vertus aphrodisiaques, il est utilisé dans certains produits cosmétiques pour son effet lift et bonne mine immédiat sur la peau. Quand la gastronomie révèle d'autres pouvoirs
A lire: L'univers du caviar aux éditions Solar, paru en 1999.
© La Libre Belgique 2000
Des goûts et des couleurs Non, tous les caviars ne se ressemblent pas. La palette de leurs goûts et couleurs est variée. Plus la femelle est lourde et âgée, plus ses oeufs seront gros, leur teinte dorée et leur goût délicat. Sur la vingtaine de variétés existantes, cinq peuplent la mer Caspienne. Seules trois d'entre elles fournissent 90 pc de la production mondiale. Le Beluga mesure 2 m pour 100 kg, peut vivre 100 ans, et donne 20 kg de caviar. Ses grains sont gros, du gris foncé au gris clair. Plus les grains sont gros, plus ils sont clairs et plus le prix du caviar est élevé. Il se conserve le moins bien. L'Ossiètre (1,5 m, 20 kg, 50 ans, 4 à 7 kg de caviar) donne des oeufs de différentes couleurs: noir, gris foncé, brun jusqu'au doré jaunâtre. Il se conserve plus longtemps. Le Sévruga (1 à 1,4 m, 10 kg, 30 ans, 3 kg de caviar) est le plus répandu en mer Caspienne. Son goût est très fin. Pour tous, divers facteurs interviennent: date de pêche, conditions de dégustation, qualité de la boîte, origine, catégorie Il est donc préférable de goûter son caviar avant de l'acheter. Son prix peut varier entre 60.000 FB à 130.000 FB le kilo.